En ce moment

Titre

Artiste

 Titre diffusé : 

 Titre diffusé : 

Background

Robert Castel, « Nous sommes tous traversés par l’histoire. » N°770

Écrit par sur 18 janvier 2017

Contrairement aux conceptions libérales selon lesquelles seul l’individu fait des choix et prend des risques, je pense que l’individu est un sujet social. Nous sommes tous traversés par l’histoire. Ce n’est pas seulement un décor. Cela marque très profondément nos choix, nos amours, nos peines. Nous avons une dette vis-à-vis de l’histoire. »

Robert Castel, sociologue – entretien accordé à L’Humanité-mars 2013.
robertcastel

Radio Univers propose de revisiter ses entretiens-radio qui n’ont rien perdu de leur actualité.

Ce jour, un long entretien de 2013 avec le grand sociologue Robert Castel alors directeur du Centre d’études des Mouvements sociaux (Ehess/Cnrs) -décédé peu après. Directeur d’études à l’Ehess, ce « Breton farouchement laïc et vacciné contre l’esprit local » était ouvert comme peu d’intellectuels à la discussion, élaborant au long cours une œuvre décisive pour comprendre le présent, notamment l’insécurité sociale à l’œuvre.

A écouter ici.

Lire encore ici notre hommage rendu au lendemain de sa mort. Avec ces mots de Matthieu Dubois rappelant leur rencontre pour ce qui fut malheureusement pour le sociologue l’un de ses derniers entretiens-radio.

Biographie courte mais signifiante. D’une touchante cohérence. Né en mars 1933 à Saint-Pierre-Quilbignon, au-dessus de la base navale, aujourd’hui quartier ouest de Brest, fils d’un employé des Ponts et Chaussées, imprégné de la culture républicaine et laïque, l’avenir tout tracé de Robert Castel est alors de devenir ouvrier du port à l’Arsenal. Mais sa mère meurt d’un cancer en 1943 et son père se suicide deux ans plus tard. Recueilli par sa demi-sœur, il prépare et obtient un CAP d’ajusteur-mécanicien peu de temps après la guerre. Puis un brevet d’enseignement industriel au collège technique où il lit littéralement tout ce qui lui tombe sous la main « pour oublier le monde « . Remarqué par un professeur de mathématiques, surnommé Buchenwald, ancien rescapé du camp, « probablement ancien résistant communiste », celui-ci l’encourage à quitter le collège pour faire de la philosophie dans un lycée à Rennes (évoqué dans  » Changement et pensées du changement, échanges avec Robert Castel « ). Robert Castel suit ce conseil bienveillant. De ses origines, il allait en tirer de nombreuses leçons de vie.

Outre la guerre, terrible à Brest -de 1940 à 44, 165 bombardements qui firent 965 morts-, songeons aussi qu’il ait eu tout môme -si tant est qu’il fût baigné dans l’imaginaire collectif de la ville, Brest étant à l’époque une forteresse ouvrière et syndicale- un écho des émeutes à l’occasion desquelles a soufflé un vent révolutionnaire au mois d’août 1935. Mouvement insurrectionnel en partie héritier de ceux de 1904-1905 et encore de 1918 qui eurent lieu dans cette même ville. Si bien qu’il est affirmé même que cette grève brestoise, du fait de sa couverture médiatique, parfois heure par heure, a joué un rôle important dans l’avènement du Front populaire l’année suivante. Grève générale, Frente Popular, dont les ouvriers de l’Arsenal sont les fers de lance, réprimée très durement puisque trois manifestants sont tués, comme le relate l’historien Roger Faligot dans son bel ouvrage récent « Brest, l’insoumise » (Editions dialogues). A lire aussi « Août 1935 – Émeutes à Brest » ici.

Revenons à la biographie. Plus tard, Robert Castel rencontre Pierre Bourdieu. Dès lors abandonnant l’enseignement de la philosophie pour la sociologie, ses opérations d’usinage il les réalise au millième de millimètre au croisement de la sociologie, de la philosophie et de la psychanalyse. En « Miraculé de la République » comme il aime à se qualifier, il ne cesse de tenir compte dans ses travaux de recherche des plus défavorisés et de ceux qui travaillent. Il s’inquiète en particulier de la résurgence de la figure du travailleur pauvre, symbole d’une nouvelle infra-condition salariale, le précariat (mot dont il est l’initiateur).

S’inquiétant du passage d’un monde de collectifs solidaires à une société d’individus précaires, comme il l’explique dans L’Insécurité sociale (Seuil, 2003), pour lui le précariat installe ceux qui en sont victimes dans une impuissance à se réaliser en tant qu’individus. Du coup il écarte les discours sur la fin du travail ou la sortie du salariat, des idées qu’il voit comme des insanités.

Et c’est en ajustant ses études de philosophie, ses travaux de sociologie, et ce souvenir capital pour lui du fameux conseil prodigué par son ancien prof de collège, qu’il conclut :  » Contrairement aux conceptions libérales selon lesquelles seul l’individu fait des choix et prend des risques, je pense que l’individu est un sujet social. Nous sommes tous traversés par l’histoire. Ce n’est pas seulement un décor. Cela marque très profondément nos choix, nos amours, nos peines. Nous avons une dette vis-à-vis de l’histoire. » ( L’Humanité-mars 2013). Renvoyant par ailleurs « à la référence première de l’Assemblée constituante de 1793 : la patrie a des devoirs envers les citoyens les plus fragiles. Le droit au secours est le noyau de la politique républicaine. »

A n’en pas douter, quatre ans après sa mort, un certain discours électoral auquel on assiste, lui ferait peur.

D.D

Capture d’écran 2017-10-07 à 20.42.26
ruCe qui a été dit et écrit ici-même autour de Robert Castel.


Les opinions du lecteur

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.