Retour à… Jim Harrison. N°1186
Écrit par admin sur 5 février 2025
« Dans Dalva, le parallèle que vous faites entre le massacre des Indiens et le génocide des Juifs n’est-il pas un peu trop schématique ?
Vous avez raison, c’est pour cela que dans Dalva je m’en tiens à cette comparaison avec le ghetto de Varsovie. Je trouve très dangereux de banaliser l’Holocauste de la Seconde Guerre mondiale. Il y a déjà une différence énorme : les Indiens ont été massacrés sur une période de deux cents ans, alors que le génocide juif a été commis en quelques années avec des moyens industriels. Mais le silence qui a entouré le massacre des Indiens et le génocide du peuple juif est le même. La cupidité a été le moteur essentiel du massacre indien. On les déplaçait de territoire en territoire ; quand ils ne voulaient plus bouger, on les tuait. Ce meurtre tirait toute sa légitimité du fait que c’était Dieu qui nous avait donné cette terre. Robert Frost, l’un des conseillers de Kennedy, déclarait : “Cette terre nous appartient, il n’y avait rien avant que nous arrivions.”
Jim Harrison, écrivain majeur – extrait de son entretien à Les Inrockuptibles, accordé en juillet 1993.
Si les nazis avaient gagné la guerre, l’holocauste aurait été mis en musique, tout comme notre cheminement victorieux et sanglant vers l’Ouest est accompagné au cinéma par mille violons et timballes. »
Jim Harrison – phrase tirée de son livre Dalva.
De nature curieuse, comme il a déjà été dit antérieurement – lire ici, là & là, La Chronique d’ici-même aime revisiter ce que pensent et disent de nos jours celles et ceux rencontrés à cet effet il y a un certain temps. C’est pourquoi, le quatrième volet de cette série est consacré à… Jim Harrison – voir sa page sur Lieux-dits, ici. Qui, quoique décédé, de son seul oeil clairvoyant donne encore à comprendre le monde où, façon trumpiste, s’expose toute l’histoire de l’Amérique et des cow-boys sanguinaires – lire ici.
N’avons-nous rien appris de l’histoire de ce pays ? Celle de la Guerre civile et des guerres indiennes de la deuxième moitié du xixe siècle, en passant par les guerres de Corée, du Vietnam, d’Irak ? L’Amérique, ce gendarme du monde qui s’est bâti avec le sang des Indiens, n’était pour Jim Harrison qu’un « Disneyland fasciste « . Sans complaisance, était-il, contrairement à bon nombre d’européens qui demeurent aveuglés par les lanternes des illusions.
Vous l’aurez compris, La Chronique d’ici-même, parfois d’ailleurs et de partout, a toujours eu un faible fièrement assumé pour cet écrivain et poète d’une profonde humanité, l’un des très grands, qui nous entrainait dans l’Amérique profonde et bien pensante d’un pays qui n’est plus à un massacre près : ‘Nos prédateurs, qui pèsent 500 milliards de dollars, sont des gens apparemment très religieux. « J’aime Dieu, j’aime l’Amérique ! » Mais ils continuent à voler des milliards de dollars. Des ordures. On devrait les enfermer… pour toujours. Un Noir qui vole dans une épicerie fera dix ans de prison, mais un Blanc qui vole dix milliards de dollars en prendra pour un an. C’est effarant. » ( entretien en 1992 avec Brice Matthieussent, son traducteur – voir éditions-séguier.fr).
Dans Dalva, page 61 : » Le fond du problème, c’est cette mythologie qui nous a permis de conquérir les populations autochtones – en fait plus d’une centaine de petites civilisations – et puis leur forger un destin d’humiliation, de honte et de défaites quotidiennes; par-dessus le marché nous pouvons avoir la conscience tranquille, car n’est-ce pas, ce sont tous des poivrots d’Indiens. »
D.D
Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de Jim Harrison.