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Ré-écoutable. N°523

Écrit par sur 28 mars 2012

Retour sur ce petit livre et sur son auteur. Anselm Jappe, Crédit à mort, Nouvelles éditions Lignes. D’abord parce qu’il est ré-écoutable ici. Attention, ce dont il s’agit ici a assez à voir avec notre actualité électorale. Encore qu’il n’a…

Guère à voir avec cette période qui fatigue, propice à maints haussements de menton, à diverses saillies langagières, à quelques agitations de drapeaux, à des coups de poings sur pupitre, à l’insulte, aux outrances, aux déclarations haineuses et racistes. Qui obstrue toute lucidité. Qui se vautre dans l’infâme et la bassesse.

Guère à voir avec cette période qui nous vide l’esprit. Cette campagne électorale aurait pu se présenter comme pédagogique, démonstrative, au regard des enjeux. Bref, elle aurait pu porter en elle un peu d’éducation populaire. Eh bien, non! Celle-ci éloigne à coup sûr le citoyen, le dégoûte. Ou l’amuse. Ou l’abrutit.

Guère à voir avec cette période de tuerie. Qui demandera après élection -si elle se passe comme les sondages le montrent- à être élucidée. J’ai un arrière-fond de bon sens qui rejoint avec beaucoup moins de détail l’hypothèse qu’exprime Yves Michaud sur son blog. « Merah semble bien avoir eu un officier traitant de la DCRI… Comme on sait, les terroristes ont cet immense avantage d’être manipulables. » Ecouter également Bernard Stiegler: « j’ai honte de tout ce que j’entends »

Pourtant, tant qu’il est encore temps, bien saisir ce moment qui peut nous rapprocher de l’essentiel. Je me dis ça. Mais qu’est-ce l’essentiel? D’abord, c’est drôle, j’ai le sentiment un peu flou que l’essentiel est ailleurs que dans ces discours de campagne. Ailleurs. Hors de portée de toute cette campagne électorale. Lire notre dernière Chronique du vendredi.

C’est ce que motive mon retour intuitif vers la pensée d’Anselm Jappe vu et écouté l’été dernier. Qui nous faisait comprendre la « décomposition du capitalisme ».

Le système capitaliste arrivé à un stade de décomposition tel que, désormais, « c’est l’humanité elle-même qui devient superflue, lorsqu’elle n’est plus nécessaire pour la reproduction du capital-fétiche » écrit Jappe.

Son intervention est polémique. « Le capitalisme est devenu visiblement ce qu’il a été essentiellement dès le début : une bête s’autodévorant, une machine s’autodétruisant, une société qui n’est vivable pour personne ». Alors il développe une « nouvelle critique de la valeur ». Mais en passant il règle son compte à quelques penseurs alternatifs du moment. A boulets rouges.

Que pense-t-il de cette campagne marquée par le national-populisme de Nicolas Sarkozy, si proche des pires salauds du Front national? Parfois soudain on se dit: « il peut repasser », sarko, pas impossible…il a encore tout un arsenal de poudre, poudre aux yeux, à développer…il dévoile son programme mardi…ah bon? C’était pas déjà fait? Et l’autre, essoufflé qui s’enlise, qui a déjà tout dit…qui ne sait pas ménager le suspens, les intrigues, les rebondissements, les retours de manivelles, les coups foireux, les épisodes de séries à deux balles…va renchérir, inventer des trucs impossibles et va entraîner l’autre… Et si Badiou avait raison et Jappe?

Bon, mes deux chroniques précédentes (n°521 & 522) sont suffisamment claires comme indication en direction d’un vote contre. Comme l’écrit la revue Vacarme: « Parce que nous sommes fatigués d’une clique raciste, xénophobe, autoritariste, nous prendrons donc avec joie le chemin du vote-sanction, comme l’appellent les journalistes ». Et on peut difficilement être contre. Mais c’est sûr, ce n’est pas avec nos seuls bulletins de vote qu’on évitera le pire. C’est au moins la seule certitude du moment.

Donc? Eh bien ce n’est pas une raison pour arrêter de penser et d’apprendre. C’est bien pourquoi la critique de Jappe est radicale : il s’agit bel et bien de « sortir du capitalisme industriel et de ses fondements ». Dès l’introduction, Anselm Jappe l’annonce : « La question de l’émancipation sociale commence à se poser de manière nouvelle. Elle doit être repensée ». Je précise: ce théoricien de la valeur ne fait partie d’aucune écurie partisane.

Par ces temps de sombre écroulement de la pensée politique, de disparition de la pensée politique tout court, il semble bon de relire et de ré-écouter, Anselm Jappe Crédit à mort.

D.D


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