« Puissant sentiment d’impunité » . N°727
Écrit par D.D sur 16 mars 2016
Le philosophe Michel Foucault disait en 1982 dans un entretien pour une revue américaine d’architecture : « L’espace est le lieu privilégié de compréhension de comment le pouvoir opère ».
L’actualité nous en offre une illustration précise à l’occasion du projet d’un futur centre d’hébergement d’urgence pour sans-abris (six bâtiments modulaires en bois, éphémères, destinés à accueillir 200 personnes, des individus « isolés » ou « familles qui rencontrent des difficultés sociales importantes »), en bordure du bois de Boulogne, dans le très cossu 16ème arrondissement de Paris.
Cette zone largement résidentielle n’a pas la réputation d’être le plus bourgeois de Paris pour rien. Nombreuses Villas, allées privées remplies d’élégantes petites maisons. Toutes sont grillagées. Si vous êtes aventuriers, essayez de pénétrer la Villa de Montmorency (demeure de Bolloré, Lagardère, Niels, Carla Bruni…). Bon courage!
Quartier cependant plutôt de tours et de coupoles hausmanniennes qui dominent les alignements d’immeubles en pierre-de-taille, connu pour abriter certains des foyers les plus aisés de Paris.
« Oui, on se trouve bien dans une forme de « ghetto de riches » (de plus en plus riches d’ailleurs) », et dans l' »entre-soi géographique », « entre-soi social », « entre-soi idéologique »… La population du XVIe arrondissement peut être assimilée à une forme de classe sociale. Non seulement elle l’est objectivement mais en plus un vrai sentiment de classe existe et l’anime.» » explique la sociologue Monique Pinçon-Charlot.
Quartier de « l’apartheid social » qui est à ce jour -et pour cause!- dépourvu de centre d’hébergement pour accueillir les plus démunis. Selon la mairie de Paris, cet arrondissement le plus grand de Paris en superficie, ne compte que huit places en hébergement d’urgence, sur un total de 9.700 dans la capitale. Quartier le plus riche de France, ultra-sélect, à 83 550 euros de revenu annuel brut moyen par tête de pipe, où l’on ne compte que 3,7 % d’HLM.
Observons-en, parmi ce gotha, la délicatesse en un si docte langage comme en témoignent les insultes et insanités proférées en moins de vingt-cinq minutes par ses résidents de propriétés haut de gamme, qui ont si peur de voir des pauvres traverser le trottoir en face de chez eux ou qu’ils ne veulent surtout pas voir sous leurs fenêtres et près de leur hôtel particulier, venus assister à une réunion d’information sur ce projet : «Escroc», «fils de pute», «menteur», «collabo», «stalinien», «vendu», «salopard», «salope», «caca», etc.
De cette réunion en voici un témoignage particulièrement éloquent, celui à lire ici de cette ancienne directrice de recherche au CNRS, Monique Pinçon-Charlot, présente sur les lieux.
Ses observations sur ce comportement de classe -qui réveille en moi quelques souvenirs d’ancien élu local chargé de l’urbanisme- viennent confirmer, si besoin était, ses travaux comme elle nous les expliquait lors des entretiens que celle-ci nous avait accordé lors de son passage à Rennes :
Banlieues et beaux quartiers, les deux faces d’une même pièce.
Agression sociale sur les classes populaires.
D.D