Polyphonies poétiques. N°737
Écrit par D.D sur 25 mai 2016
A l’heure où l’on transforme l’humanité en un immense marché au profit d’une poignée de richissimes, ceci en cherchant à criminaliser (jusqu’à l’inadmissible violence policière en cours) tout ce qui se met Debout, voyons ce qui résiste.
Présent invité à Nuit Debout -où existe une commission poésie debout qui se réunit pour des moments d’écriture poétique, de littérature, de partage de texte et de déclamation -, l’un des philosophes vivants les plus lus, traduits et commentés, Jacques Rancière, fait ressortir entre autres, livre après livre, l’importance de la poésie comme forme de résistance sociale et d’émancipation à travers l’histoire. Du moins cette poésie qui se situe loin d' »une élévation au-dessus des réalités sociales ».
Ainsi répondait-il dans un entretien : « Il y a chez Mallarmé deux extraordinaires poèmes en prose, Conflit et Confrontation, qui mettent en scène la rencontre difficile du poète avec l’ouvrier. Les cheminots de Conflit viennent troubler la tranquillité du poète face au cours de la rivière et aux jeux de la lumière. Le terrassier enfoncé dans son trou de Confrontation semble demander à l’homme de lettres en promenade dans la campagne ce qu’il vient faire là. Là encore, il se produit un déplacement du regard poétique et de l’objet même de la poésie. Les ouvriers allongés sur le sol après un dimanche un peu trop arrosé ne sont plus les importuns qui s’interposent entre le poète et son coucher de soleil : ils l’obligent à repenser la fonction même de cette poésie qui veut transcrire la gloire solaire par rapport à la multiplicité des « naissances sombrées dans l’anonymat ». Cette mise en scène renverse la conception courante qui fait de la poésie une élévation au-dessus des réalités sociales. À l’inverse, la poésie de Mallarmé s’installe là au ras des rapports topographiques qui définissent la matérialité des rapports de classes, au ras de ce que j’ai appelé le partage du sensible, et essaie de se penser comme une sorte de contre-économie qui oppose une grandeur commune à la fausse égalité des échanges marchands. » (L’Humanité)
Eh bien cette « grandeur commune » pourra-t-elle être mesurée suite à l’invitation, si besoin est, que nous adresse à toutes et tous (c’est gratuit) la Maison de la Poésie de Rennes, organisatrice le week end prochain d’une nouvelle édition du Festival des Polyphonies (pour les précédentes, voir sonothèque). Qui se tiendra comme habituellement dans les jardins de la Villa Beauséjour sur les bords du canal.
Dont voici le programme.
Avec entre autres, Marie Cosnay (ci-contre, au micro).
Notons déjà que Jacques Rancière et le poète Philippe Beck seront les invités de cette même Maison de la poésie à Rennes courant 2016, pour un dialogue autour de l’ouvrage du poète « Les sillons du poème. » Voir ici.
Et que par ailleurs, Jean-Pierre Siméon, autre poète et initiateur du Printemps des poètes, fut lui aussi l’invité le 81 mars de Radio Debout : « Ce qui me retient dans la poésie c’est sa force insurrectionnelle ». Un remarquable entretien (téléphonique) à écouter ici.
D.D