« Paroles entendues ». N°1152

Ainsi, comme annoncé ici, samedi dernier à Cuguen s’est tenue cette cérémonie locale dans une singulière émotion, puisque consacrée aux témoignages de cinq personnes très âgées ayant vécu cette journée du 6 juin 44. Où, parmi deux cents autres, elles ont été prises en otage et enfermées dans l’église par l’occupant nazi menaçant de l’incendier. « Une mitrailleuse fut braquée dans le bas de l’église, tournée vers la foule, des sentinelles étaient placées à chaque porte; des soldats, revolver au poing, montaient et descendaient l’église, terrorisant tout le monde »  (E.Desvaux, Cuguen sous l’occupation nazie »).

Puis il a été abordé l’arrivée à Cuguen des Libérateurs. A ce propos, la Chronique d’ici-même souhaite, en complément de la précédente « Bretagne est résistance « – à relire ici, mettre en lumière la carte du temps. Disons juste ça : à qui l’on doit la clé de cette avancée.

« Sans l’engagement des Francs-tireurs et partisans de la Manche, l’opération « Cobra », qui a permis aux forces alliées d’atteindre la Bretagne, aurait été vouée à l’échec » affirme Gérard Fournier, historien et président de l’association Mémoires de la Résistance et de la Déportation normandes. En juillet 1944, les Américains sont bloqués dans le département. Les combats s’éternisent. La ligne de défense allemande se montre plus solide que prévu. Vingt FTP se portent alors volontaires pour s’infiltrer clandestinement derrière la ligne de front, au péril de leur vie, pour y collecter des renseignements décisifs. Cette mission Heimsman est accomplie entre le 18 et le 30 juillet 1944. Son succès permet aux Alliés d’enfoncer la ligne de défense allemande et de prendre, enfin, la route de Paris, prête à s’insurger. » (La Mission Heimsman. Une contribution décisive de la Résistance au succès de l’opération Overlord (juin-juillet 1944) d’André Debon (édition L’Harmatan).

A ces résistants un vrai et bel hommage leur a été rendu lors de ces célébrations du 80ème anniversaire du Débarquement des Alliés, par le prince Charles ou Charles III en personne. En s’exprimant en français, il a dit, au nom de la Grande-Bretagne, que « nous ne manquerons jamais de rendre hommage au sacrifice incroyable des hommes et des femmes de la Résistance française ainsi qu’aux nombreux civils qui fournirent des renseignements essentiels, sabotèrent les approvisionnements et les communications et tendirent de cruciales embuscades « .

Paroles entendues et rappelées, retour à ce samedi en la salle des fêtes de Cuguen. En première partie des témoignages, s’est produite sur scène la chorale de trente chanteuses et chanteurs, « Les Voyageurs », emmenée par Anabelle François, musicienne et chef de choeur. Qui nous a embarqué dans un voyage de visages et de couleurs sur le chemin des chants populaires des pays d’Europe orientale (Tsigane, chants Yiddish, etc) et d’Irlande ou d’ailleurs. Récital ni plus ni moins universel, polyphonique et multiculturel, libre et formidablement humain, en écho à ces chants d’autres villages pris dans un engrenage fatal, persécutés et livrés aux mains de fous qui au nom de l’orgueil national, du racisme et de la haine de l’autre, entraînent les gens à la ruine. En revanche, il nous restera à chanter ensemble : le Chant des partisans.

Car…

Dans cette même salle communale, comme il se doit avaient été installés les isoloirs destinés à la journée électorale du lendemain, dimanche. Vienne le résultat, sonne l’heure. Les jours s’en vont, encore et encore, la peur revient : on s’y attendait oui et non, mais nous étions encore loin d’imaginer qu’à l’issu des votes, ici aussi comme partout ailleurs, le résultat sorti des urnes allait à ce point piétiner cette fibre sensible de la réhabilitation mémorielle rendue la veille. Il était donc temps de témoigner.

D.D

Ce qui a été dit et écrit autour d’Anabelle François, du maquis de Broualan et des F.T.P.