« Nous devons nous libérer. » N°939
Écrit par admin sur 6 mai 2020
Le confinement derrière porte et fenêtre, écrivions-nous ici, sans possibilité d’outrepasser sa situation humanistique, ça donne quoi ? Considérant que toute chose est plus qu’elle-même, le confinement peut alors aussi nous donner à… savoir ce dont nous avons besoin pour être « vraiment » libres.
C’est là ce jour, une nouvelle fois – lire ici, que l’ex-grand reporter de guerre, romancier et écrivain-voyageur italien Paolo Rumiz intervient. Dans ce moment sans précédent, nous vivons dans un entre-deux, d’effondrement mais aussi d’une libération possible, de peur, mais où souffle le vent d’une liberté retrouvée. D’écrasement de la société par le langage vidé de son sens – pour citer Bernard Noël, mais aussi de notre obligation de construire une nouvelle habitation pour l’humanité.
D.D
Nous devons nous libérer
Paolo Rumiz – publié sur ce blog, le 4 mai.
de la course folle qui nous a piégés et la croyance que le temps
n’est que de l’argent ; de la convoitise du superflu ;
de la tyrannie des choses, qui nous éloigne de l’Homme ;
l’illusion que la possession suffit à nous rendre heureux…
de l’indifférence pour l’arbre, la fleur et le lézard ;
de l’idée que la terre mère est une vache laitière jusqu’à l’épuisement ;
la manipulation de la nature et l’illusion que le génie..,
une fois dérangé, peut rester dans la lampe
de l’inflation indécente de l’ego, de l’oubli que le Nous existe aussi,
et que sans communauté, il n’y a pas de société ou de nation ;
de la tentation de brader notre liberté pour l’illusion de la sécurité ;
par l’instinct bestial de se faire justice soi-même.
de la tentation d’être soumis et de courber l’échine ;
de la démission qui empêche le combat ;
par la peur d’une nouvelle imagination du possible ;
de concevoir la fin du monde plutôt que la fin de l’économie de consommation et de pillage.
par la Bête qui nous pousse contre la différence ;
par la peur de répondre aux violents par des mots durs ;
de crier « meurtriers » aux médecins et de les exalter en héros ;
l’utilisation abusive du mot « guerre ».
qui nous fait croire que le mal est quelque chose qui n’affecte que les autres.
de la tentation de croire que seul est mieux et que l’Europe est un fardeau et non un bouclier…
béni ; de ne plus aimer notre patrie et de s’enfuir dans des paradis artificiels ;
d’avoir rejeté notre désastre sur les femmes.
du blasphème consistant à déranger Dieu pour absoudre et sanctifier les vols ;
de la tentation d’utiliser la Croix contre les pauvres chrétiens ;
de croire que nous ne sommes pas tous dans le même bateau et de la présomption
que nous ne pourrons jamais devenir pauvres et migrants
de faire taire la mort, vécue comme une indécence ;
par le mépris des mains rugueuses et de la sueur du front ;
de snober ceux qui garantissent silencieusement notre alimentation ;
de l’irrespect envers l’agent public, du maître au charognard…
de la soumission au virtuel qui dissimule la vie et vole la joie des retrouvailles ;
de l’impatience, l’ennemi de l’écoute et de la tolérance ;
du bruit qui étourdit les hommes et tue le silence,
qui est le père de l’harmonie et de la création
de renoncer à consacrer du temps à nos enfants et à les élever
avec des exemples, des règles de vie et de bonnes histoires ;
de la marginalisation des anciens, porteurs de mémoire ;
l’exploitation scandaleuse des jeunes et le mépris de ceux qui les éduquent…
par le rejet de notre fragilité et de nos limites, dont l’acceptation est la sagesse ;
de sous-estimer les petits gestes qui font toute la différence ;
de croire que le bonheur n’est qu’un droit, alors que sourire est notre devoir envers le monde. »
Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de Paolo Rumiz. Et des Etonnants Voyageurs.