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« Nos mères ». N°708

Écrit par sur 4 novembre 2015

zmp20679De la dernière édition des Polyphonies organisée par la Maison de la poésie de Rennes, je garde la mémoire éclairée de la lecture de « Nos mères » par Antoine Wauters, un jeune poète belge.

Un roman polyphonique d’amour et de mort, publié chez Verdier, dans lequel il raconte l’histoire de Jean, un petit bonhomme qui quitte le Proche-Orient pour un exil dans une famille européenne.

Dans ce mi roman mi poème d’une énergique poésie et d’une hypersensibilité, il y évoque les enfances détruites par la guerre.

Ainsi cette lecture continue à me parler de :

– l’omniprésence de la guerre qui envahit l’esprit de l’enfant.

« C’est la guerre, le chaos, la guerre et le chaos.
Je m’endors avec des bruits de balles dans la tête et me réveille avec.
D’autres fois, c’est le silence que j’entends (des trêves, des cessez-le-feu).
Ensuite, ça redémarre et ça n’en finit plus.
TATATATA !
PAN !
TATATATA ! »

– l’hommage à toutes nos mères.

« Elles crient.
Leur enfant.
Elles osent poster leur corps sur la terrasse grise de la maison jaune.
Mon enfant, mon amour.
Elles osent crier.
Ma brebis, ma poule d’eau, mon amour.
Elles ont, sur la terrasse, des larmes fraîches sous leurs pieds nus.
Mon amour, mon enfant.
Elles font état de leur tristesse, de leur folie, tout ça qu’elles crachent.
Mon enfant, mon amour, ma brebis.
Tout ça qu’elles font rouler à notre endroit, sur nous.
Tout ça qu’elles crachent jusqu’à nous, brûlant nos cœurs.
Ma chèvre.
Mon hibou.
Mon enfant que j’aime chaud. »

« Voilà la vérité, la terrible vérité : ces femmes, ou nous veillons sur elles ou bien nous les perdons ! »

Dans « Nos mères » il y a donc une mère et un enfant – un enfant/des enfants et une mère/des mères- qui souffrent. Ils souffrent car le mari et père a été abattu par des miliciens, au Liban, lors d’une guerre civile, « mort dans la boue des poussières d’obus », transformé en « caramel fondu au soleil ». Une mère qui s’ « enferme dans le trou de l’oubli ». Et un enfant « de la ruine et de l’oubli «  aux voix multiples qui par sa force de survie, s’invente un monde aux côtés d’une nuée d’enfants imaginaires.

– la mémoire de l’adulte devenu.

« Parfois, par la magie des mots (dire c’est agir, c’est transformer le monde, et le faire c’est le prouver), je réveille la fumée des narghilés, sur les terrasses, pendant ces longues veillées qui sont chez nous des habitudes. Je réveille cette vieille balle de tennis, offerte par Nisrine, qui fut mon ballon de foot quand enfant je visais l’intérieur du poêle de la cuisine, dont le feu était le gardien de but et le crépitement des flammes, le stade m’applaudissant. Je réveille les châteaux de sable sur Ramlet-el-Baida, et avec eux le bruit des vagues et les immenses bateaux dont on ne savait jamais, avec papa, vers quels mondes ils glissaient comme ça, vaporeusement, façon « morses amoureux ». D’autres fois, je réveille les vents et les caprices lunaires, la tour de la télé nationale, le souvenir de la belle librairie Antoine et, doucement alors, le sourire me revient. Le rire même parfois. »

– la résilience, finalement. Cette faculté à rebondir après un terrible traumatisme. A résister.

Eh bien, par les temps qui courent (voir chroniques précédentes), que le son de ses mots dits à haute voix pour en entendre la musique, retentisse loin et fort !

A écouter, faire écouter, écrire et faire lire :

D.D


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