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« Bergère, ô tour Eiffel,… » N°1164

Écrit par sur 4 septembre 2024

Jean-Paul Dollé, un philosophe urbaniste, l’aurait écrite, mais il n’est plus de ce monde. C’est heureux qu’un autre philosophe de l’urbain s’y colle, Thierry Paquot. En signant une tribune dans le Nouvel Obs titrée : Non aux anneaux olympiques sur la tour Eiffel !

La Chronique d’ici-même s’était réjouie de la cérémonie d’ouverture magnifique -lire ici-, comme d’un retour sur ce corps vivant – lire -par le biais des performances sportives. Et de la même façon, elle se réjouit du point de vue qui se dégage de cette tribune. Et donc, la relaie avec empressement.

L’image mondiale qui restera des troupeaux de supporters exaltés brandissant chacun leur petit drapeau tricolore standardisé et bêlant en choeur le chant nationaliste et guerrier sous la baguette d’influenceurs attitrés, est suffisamment débectante.

D.D

« Accrocher ce symbole des Jeux olympiques sur la tour Eiffel, c’est la transformer en support publicitaire ; c’est confondre la Révolution de 1789 et les compétitions sportives marchandisées.

La tour Eiffel honore les 100 ans de la Révolution de 1789. Lorsqu’elle fut édifiée, des voix indignées (Maupassant, Léon Bloy, Leconte de Lisle, Sully Prudhomme, Huysmans…) se sont élevées contre cette horreur qui gâchait le paysage parisien. On leur répondit qu’elle était provisoire, qu’elle serait démontée après l’Exposition universelle, comme le Crystal Palace de Paxton pour l’Exposition universelle de Londres en 1851 qui brûla sur son nouveau site, en 1936. La tour Eiffel est devenue, ce que personne n’avait imaginé, le symbole iconique de la capitale française. Elle a même été reproduite ici ou là (Las Vegas, Prague, Slobozia, Tokyo, Hangzhou…), sans jamais être égalée ni détrônée. Elle appartient dorénavant exclusivement à Paris. Certains esprits cultivés évoquent les peintures de Delaunay, Dufy, Seurat, Bonnard, Utrillo, Chagall, Nicolas de Staël, etc. ; la poésie d’Apollinaire, Cendrars, Cocteau, Queneau, Huidobro, etc. ; le cinéma de René Clair (« Paris qui dort », 1925 et « La Tour », 1928)… Elle existe dans son inutilité même, si bien analysée par Roland Barthes en 1964 : voici un monument que l’on visite pour ne rien y voir à l’intérieur, mais pour admirer la vue qu’il offre.

Pierre de Coubertin, en 1913, dessine les cinq anneaux colorés et solidaires, tels les cinq continents unifiés par l’olympisme. C’est aux Jeux d’Anvers en 1920 qu’ils font leur apparition publique, avant de devenir le drapeau olympique et le logo des JO.

Quelle idée saugrenue que de les accrocher à la tour Eiffel ! C’est la transformer en support publicitaire, elle n’est plus alors qu’un échafaudage métallique portant la marque du CIO, organisation parfois opaque, aux tractations bizarres.

N’est-ce pas la confusion des genres ? La tour Eiffel est la tour Eiffel et les JO, les JO.

Quand un monument devient aussi symbolique, il est hors de question d’en altérer l’image en la parasitant avec une autre image, d’une autre nature. Que la maire de Paris orne sa tour Triangle-Unibail des anneaux olympiques, et lui attribue la médaille d’or des bâtiments énergivores, venant dénaturer le paysage urbain, cela se conçoit. Mais confondre la Révolution de 1789, malgré son ignoble sexisme, et les compétitions sportives marchandisées est dur à avaler ! D’un côté une tour pour rien, de l’autre des milliards pour les sponsors et autres industriels du spectacle globalisé.

Certes, les touristes venus assister aux Jeux s’étonnent de la propreté de la ville, l’efficacité des transports publics, l’étonnante disponibilité des commerçants… Les primes versées aux uns (aux agents de la RATP, de la SNCF, de la police, etc.) et l’augmentation des prix tolérée aux autres (hôteliers et restaurateurs), sans oublier l’expulsion des marginaux, ont policé la ville, qui, une fois les jeux terminés, retrouvera ses habituelles tensions sociales et économiques.

La tour, avec une broche en forme d’anneaux olympiques, évoquera-t-elle à un Apollinaire du XXIe siècle un vers en écho au sien : « Bergère, ô tour Eiffel, le troupeau des ponts bêle ce matin » ? »

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de Jean-Paul Dollé.

 


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