« Modernité » ? N°699
Écrit par D.D sur 2 septembre 2015
Habitué des lieux, le midi seulement durant ma pause méridienne (pique-nique en ce qui me concerne), dès sa découverte j’avais perçu le risque de voir effacée une belle fresque exécutée en juillet par un groupe de jeunes en lien avec les habitants du quartier, dans le cadre de l’embellissement des tribunes sportives du parc du Berry à Villejean à Rennes.
Bon, ce qui était à craindre se réalisa, cette fresque (côté gradins) a très rapidement été recouverte par des tags minables. Heureusement, prudent, j’avais anticipé la suite en prenant depuis mon portable les photos de cette création picturale malheureusement trop éphémère. Photos présentées ci-contre.
Fresque ou graffitis, tout est moderne là-dedans (mais si tout y est peinture, tout n’est pas street-art). Je voudrais dès lors, saisir l’occasion pour poser une question en béton : qu’est-ce que la modernité ? Question qui découle aussi et surtout de notre entretien avec l’anthropologue Jean-Loup Amselle. Puisqu’il le ponctue en renvoyant à cette formule si vague, si équivoque. Bref, qu’est-ce ainsi ce que beaucoup nomment modernité ?
Comment le savoir ? En piochant dans le livre Aisthesis, scènes du régime esthétique de l’art (Galilée 2011) de Jacques Rancière, philosophe connu pour sa pensée exigeante qui touche tous les domaines artistiques, littéraires, politiques, philosophiques, techniques, médiatiques, etc.
Toujours soucieux au fil de ses livres de ne jamais couper « l’esthétique ou le poétique de l’ordre politique », mais de combiner, conjuguer et « de penser l’un par l’autre, l’un dans l’autre », à la lecture d’Aisthesis, comme le note le sociologue Daniel Bougnoux sur son blog, « nous dirions à la suite de plusieurs suggestions de Rancière que la modernité consiste à s’efforcer de vivre, d’agir ou de créer en direct. »
Par exemple, ce qu’il cite dans son livre : le bonheur paradoxal de Julien fumant dans sa prison, ou de Jean-Jacques inerte dans sa barque, témoigne de cette remontée du foncier de la vie. Bref, la jouissance du présent.
« S’efforcer de vivre, d’agir ou de créer en direct « donc. Eh bien, finalement, c’est bien de ça dont il s’est agit quand une fois touché comme moi par cette douce fresque inattendue, on s’emploie spontanément à en fixer le moment visuel, un moment singulier de perception et de sensation. Ceci dans l’éventualité de placer la trace de ce regard-là dans une chronique à venir comme réparation à la fresque mutilée recouverte par la laideur. Ainsi cela se nomme-t-il la « modernité ».
D.D