Lois contre la Nature. N°744
Écrit par D.D sur 20 juillet 2016
« La technique est rodée : ça se passera les derniers jours de la session à l’Assemblée nationale, avant la fermeture pour l’été. La loi qui met fin à la protection de la nature se votera en douce, le 19 juillet, entre l’aspiration aux vacances et le vacarme des attentats. » indique ce texte que, sans l’ombre d’une hésitation, je relaie ce jour (il est daté de lundi).
Rédigé entre autres par le naturaliste François de Beaulieu, et le botaniste, paysagiste, jardinier Gilles Clément, qui après avoir averti en juin (lire ici) alertaient un nouvelle fois avant son vote, dans un communiqué commun, sur la gravité des atteintes à la biodiversité commise par la loi. Elle vient donc de passer en douce la nuit dernière.
Ses signataires dénoncent sous le titre « La Loi contre la Nature » ce qui se cache véritablement derrière l’article 33 passé apparemment « inaperçu », « qui instaure les banques d’actifs naturels et la compensation de biodiversité en termes financiers ». A lire ici.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car faut-il rappeler cet autre passage… en douce, celui de la loi Longuet autorisant l’«installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs», le 11 juillet ! à l’Assemblée nationale.
Autorisation qui suscita les témoignages des gens de Bure lors du rassemblement de Notre-Dame-Des-Landes des 9-10 juillet derniers, évoqué précédemment ici et là.
Rassemblement qui se voulait ainsi solidaire de leur combat : «Notre-Dame des Landes – Bure: même combat», tel était le mot d’ordre.
C’est-à-dire contre Cigéo (centre industriel de stockage géologique), le futur gigantesque centre d’enfouissement en Meuse, à l’horizon 2025.
Qui n’est autre qu’une poubelle souterraine destinée à recevoir 80 000 mètres cubes de déchets hautement radioactifs produits en France -soit 3% du volume total des déchets les plus radioactifs produits, et pour les déchets à la durée de vie la plus longue, d’un pays qui compte 58 réacteurs nucléaires…- dans des galeries creusées à 500 mètres, dans une couche d’argile sous le sol de Bure, petit village de 92 habitants.
Autorisation au coût incalculable, que ni la société actuelle, ni nos descendants ne pourront assumer. Pour plus d’infos, ce lien avec le collectif d’opposants.
De leurs témoignages ressortait la violence subie lors de leur évacuation de la forêt de Mandres, près de Bure. La forêt était occupée par des militants pacifiques s’opposant au défrichage illégal que voulait pratiquer l’ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs). Cette agence, chargée de faire construire et d’exploiter Cigéo avait commencé les travaux sans base légale. Du coup, ils y sont revenus en nombre samedi dernier (lire ici).
A ce propos, je me souviens d’avoir entendu l’ancien député PS d’Ille-et-Vilaine Philippe Tourtelier, alors Vice-président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée Nationale. Son intervention portait sur la question de la mesure et de la démesure. Et témoignait entre autres sur la démesure à propos des déchets nucléaires.
Ce dont il témoignait était sans ambiguïté sur le fonctionnement de sa commission: « c’est du tout et du n’importe quoi dans ce que nous en disent les experts ! » Ainsi à propos de déchets nucléaires, l’une de leurs seules idées, nous disait-il, est de les enfouir en Auvergne pour 25 000 ans en y apposant l’étiquette « danger radio-activité ». Alors que, ajoutait-il, nous ne sommes pas même capables de décoder les grottes de Lascaux qui remontent à 17 000 ans, la question qui mobilisait ces experts portait sur la forme des pictogrammes qui serait la plus compréhensible à décrypter pour les générations présentes dans 25 000 ans ! Afin qu’elles puissent comprendre le « legs » que notre génération leur aura fait.
Plus largement, Philippe Tourtelier considérait qu’il y a une course de vitesse qui est engagée dont l’enjeu en est la forme démocratique à venir. Sans quoi : « soit l’autoritarisme soit la violence ! ». A relire cette Chronique-ci vieille de cinq ans. Et plus que jamais d’actualité.
En témoignent exemplairement ces mobilisations d’opposants résolus à ne rien lâcher. Face à ceux qui, du moment qu’ils réalisent un profit sur un des nombreux grands travaux, asservissent un territoire à une spéculation déclarée stratégique pour de plus grands abus.
Ah! « Nature trop rebelle, trop belle, trop sauvage, une évadée, une réfugiée indésirable qu’il faut punir et exploiter. » écrit entre autres, Gilles Clément (à ré-écouter ici) en une si belle formule.
D.D