« L’écoulement du temps ». N°1119
Écrit par admin sur 19 octobre 2023
Différentes ruses sont à sa disposition pour représenter ce qui semble a priori impossible : l’écoulement du temps. Parmi elles, il y a bien sûr la solution intuitive de représenter successivement les différentes péripéties d’une même narration.
Que cela soit sous la forme d’un défilé de vieux tracteurs – voir photo ci-contre- comme lors de la Fête du Pommé à Bazouges-la-pérouse qui s’est tenue dimanche dernier, ou bien mêlé dans l’espace de son cerveau comme ce rappel de mémoire qui a été le mien.
La Chronique de ce jour se fait ainsi l’écho d’une chose très personnelle. Qui remonte le temps.
Je viens de visiter par nécessité un « showroom » d’appareils sanitaires et d’équipement de cuisine, un hyperprésent à l’évidence un futur. L’oeil passant de l’un à l’autre, j’ai eu la sensation de revivre ma jeunesse. Instant fécond en totale contradiction avec ce qui à cet endroit nous est donné à voir.
Avec la distance du temps et de l’oubli, ce souvenir: pas de réfrigérateur, pas de télé, pas de salle de bains non plus, pour chauffer l’eau, un fourneau de cuisine à bois et charbon dans la cuisine, seule pièce à vivre. Pour autant, je n’ai pas souvenir d’une enfance malheureuse. Ce rappel de mémoire m’est précieux.
Au cours d’une telle visite irréelle, enfant, j’aurai éclaté de rire, j’aurais ri. Aujourd’hui, ces habitudes ont disparu et je passe ma main sur mon front pour mieux couvrir ces souvenirs. Entre cabines de douche et mobilier de SDB, j’esquive instinctivement et n’en parle à personne. Y penser n’a servi qu’à moi, pour réveiller cette enfance en moi. Se caresser le front pour la garder en mémoire et ne pas trop s’en dépouiller quand s’en détachent les images.
Sur cette place en fête comme dans ce « showroom », ce qui est, ce qui existe ce sont des outils. Des outils qui, c’est possible, ne s’inscriront pas dans le temps, car continuellement entretenus ils resteront ainsi. Plus compliqué est le retour sur soi.
Car il n’en va pas tout autant « à l’égard de moi-même, puisque mon être s’inscrit dans le temps, que je suis distendu par lui, que le présent ne s’immobilise pas ni non plus ne s’isole, qu’il est toujours débordé par du futur et du passé et que je suis constamment en déportement de « moi-même « . (François Jullien, « Rouvrir des possibles » – voir Lieux-dits.eu).
D.D
Ce qui a été dit et écrit ici-même autour du temps.