Le réel de Sainte-Soline. N°1179

Scruter le réel sous ses aspects infimes, c’était un choix philosophique crucial pour François Dagognet – voir sur Lieux-dits, ici & là : « Le monde des objets, qui est immense, est finalement plus révélateur de l’esprit que l’esprit lui-même. Pour savoir ce que nous sommes, ce n’est pas forcément en nous qu’il faut regarder. Les philosophes, au cours de l’histoire, sont demeurés trop exclusivement tournés vers la subjectivité, sans comprendre que c’est au contraire dans les choses que l’esprit se donne le mieux à voir. Il faut donc opérer une véritable révolution, en s’apercevant que c’est du côté des objets que se trouve l’esprit, bien plus que du côté du sujet. » (Le Monde en 1993).

Dagognet, médecin et philosophe reconnu, était enthousiaste des progrès de la science et des techniques. Malheureusement, il n’est plus là pour disséquer cet autre objet… une mégabassine ! Bassine de grande taille, il est vrai.

Une dizaine d’associations environnementales avaient décidé d’en « scruter le réel », suite à quoi elles ont attaqué les autorisations délivrées par l’État pour construire et exploiter 16 bassines dans cette région.

Ainsi, « plus révélateur de l’esprit que l’esprit lui-même » est le rendu de la cour administrative d’appel de Bordeaux. Il vient d’ annuler l’autorisation environnementale délivrée en 2017 pour les retenues du Marais poitevin, car elles menacent la survie d’une espèce d’oiseau protégée, l’outarde canepetière.

Dans la zone de leur implantation, la cour d’appel de Bordeaux « retient que, pour les quatre réserves les plus proches de cette zone, le projet est, compte tenu de ses caractéristiques, de nature à détruire tout ou partie de l’habitat de cette espèce et lui porte une atteinte caractérisée ». Dans ces quatre zones, dont celle située à Sainte-Soline, « l’autorisation délivrée est illégale faute de prévoir une dérogation ”espèces protégées”» et la suspend « jusqu’à la délivrance éventuelle de cette dérogation ».

L’eau déjà stockée pourra être utilisée mais les bassines ne pourront pas être remplies à nouveau. « L’eau stockée » à la date de décision dans la réserve de Sainte-Soline, la seule des quatre dont la construction est achevée, pourra néanmoins être utilisée cet été « par les agriculteurs raccordés », sans toutefois « donner lieu à un nouveau remplissage », a précisé la cour.

D.D

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour d’un méthaniseur. Ainsi qu’autour du Versant animal & végétal et de Sainte-Soline.