« L’admiration réveille. » N°1182
Écrit par admin sur 8 janvier 2025
« Avoir l’esprit philosophique, c’est être capable de s’étonner des événements habituels et des choses de tous les jours, de se poser comme sujet d’étude ce qu’il y a de plus général et de plus ordinaire. »
Arthur Shopenhauer, philosophe – Le Monde comme volonté et comme représentation.
Mon cas tient de « ce qu’il y a de plus général et de plus ordinaire « , j’en conviens. Et avoue n’avoir l’esprit philosophique qu’en de rares moments. Pourtant, à la découverte des objets, de ses vêtements, de son écriture, de sa manière de vivre, de tous ces morceaux d’histoire personnelle et familiale que je remets à la lumière, ou d’images anciennes qui rétablissent les faits, ou d’écrits recueillis dans l’armoire à glace ou des tiroirs de buffets bas, des piles de linge, vêtements, gilets tricotés maison, boîte à couture, et cartes postales d’amis d’ici et de tel ou tel ailleurs, ou les voeux de 1er de l’an classés bien à portée de main; si venant de ma mère, livres ou magazines et notes prises à la main portant sur les recettes de cuisine, le jardinage, le soin de soi, le tricot, ou les oiseaux, photos des arrières et arrières-petits enfants, tenues de compte et coupures de presse multiples; et si venant de mon père, la curiosité de la langue allemande allant jusqu’aux lexiques sur cahiers à papier quadrillé qu’il se confectionnait lui-même, et la riche documentation qui invite à penser à ce qu’il se passait dans le monde dans sa globalité et à son histoire vécue – la guerre et l’après-, des boîtes de peinture et cartons à peindre les bords de mer jusqu’au paquet fisselé de cartes routières annotées – ils ont aimé voyager et camper-, plus je vais en profondeur dans la fouille des placards et tiroirs, plus je réveille une attention à certains objets, plus je veux en savoir plus, plus je suis surpris par son monde, leur monde, et plus mes sujets d’admiration sont infinis, plus je grandis et me réapprend à admirer.
C’est à quoi j’assiste à titre personnel en un moment délicat. Ma mère n’est plus depuis le début d’hiver et je reçois en don, de mes parents décédés, leur maison familiale pas fermée sur elle-même, et toute sa consistance. Mais je préfère dire qu’ils me l’ont confié. Les faits sont là : est exclu d’office pour moi d’adopter la position de spectateur passif indifférent au réel.
Où que j’aille dans cette maison, je la porte sur moi. J’apprends alors, il existe un degré si plein dans le réel au bout des découvertes et rappels à la mémoire où redécouvrir leur monde est un raffinement. Qui me surprend en faisant irruption dans ma vie. C’est une grande chance de pouvoir explorer en ayant sous ses doigts ce qui se ramifie dans la mémoire. Un puits de tristesse au fond de mes pupilles. Alors que je n’ai cessé de les côtoyer ma vie durant, comme d’avoir été coutumier au quotidien de cette maison. Enfermé, par stupidité, alors dans une ignorance volontaire, tel dans un analphabétisme volontaire. Et j’en suis accablé.
Merci.
« L’admiration réveille une attention à certains objets, aux autres. »
Joëlle Zask, philosophe – tiré de « Admirer, éloge d’un sentiment qui nous fait grandir ».
D.D
Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de Joëlle Zask.
Françoise Sur 9 janvier 2025 à 9 h 47 min
« Enfermé, par stupidité, alors dans une ignorance volontaire, tel dans un analphabétisme volontaire. Et j’en suis accablé. » dis-tu.
Cette « stupidité », cette « ignorance volontaire « doivent s’appeler pudeur, discrétion, respect, à l’égard de la vie de nos parents. Ils ont fait leur vie, (et c’est plus qu’une formule), ils ont eu leurs secrets pour la construire, leurs petites manies quotidiennes, leurs passions… que, nous les enfants n’avions nul besoin de connaître, ni de partager. Nous avons les nôtres que nos enfants découvriront plus tard…(peut-être !)
Mais je ne veux pas faire de la psychologie à 2 balles, simplement te dire ce qui me revient quand tu parles d’accablement :
Quand l’un de nos deux parents disparaît, on n’en mesure pas la perte .
Il est toujours « Là et pas là », porté par celui qui reste, qui se retrouve être le seul dépositaire de leur vie commune. Et notre deuil est alors occulté par la volonté de le maintenir à flot…
Mais quand le deuxième part, ce n’est pas une vie qui sombre mais DEUX…Ce que tu retrouves dans la maison, c’est deux vies emmêlées, et ton enfance elle aussi disparue…Ca fait beaucoup !
« Petite idée qu’on risque en tout lieu, du côté des piétinements, le contact bleu du ciel, à la garde de mots quand même pessimistes, haies orientées, herbe limpide, détails que tout ça à l’intérieur de la page, silence, répétition, bien au-dessus de mes forces. » (Paol Keineg, Là et pas là) –à écouter ici.