Jocelyne Porcher, « construire un « Mur de la résistance ». N°1133
Écrit par admin sur 31 janvier 2024
Difficile d’imaginer que nous n’attendions pas le point de vue de celle qui, après avoir été éleveuse de brebis, ouvrière dans l’industrie porcine, technicienne agricole et ingénieure agronome, est devenue directrice de recherche à l’Institut national de recherche agronomique (Inra) et auteure de plusieurs ouvrages remarqués qui défendent l’élevage, entre autres, contre l’alimentation biotech.
Pour elle, dans une tribune au « Monde » datée d’hier mardi, « Ce qui est en jeu, c’est le sens même du métier d’éleveur ». Sans avoir à dépenser un centilitre de GNR (Gasoil Non Routier), la Chronique d’ici-même estime ainsi de son devoir d’intérêt général, compte tenu du contexte, d’en reprendre de larges extraits :
« Je voudrais m’arrêter sur la situation des éleveurs bovins, car il semble être parmi ceux qui s’expriment le plus clairement et qui sont le plus écoutés. Leur métier est massacré par la surcharge de travail, en grande partie liée à un nombre d’animaux de plus en plus grand dans les exploitations, à des contraintes de travail qui transforment les relations aux animaux, à des critiques sociétales qui mettent en cause le sens même du métier.
« Mur de la résistance ».
Que disent en fait ces éleveurs et ces éleveuses ? Qu’ils ne peuvent plus travailler, c’est-à-dire faire les choses comme elles devraient être faites, car ils manquent de collègues, ils manquent de reconnaissance. Ils sont prisonniers de décisions prises par d’autres. On peut remarquer que cela est vrai également pour d’autres catégories professionnelles : les enseignants, les soignants, les pompiers, les agents de propreté… métiers qui, comme l’élevage, ont pour fonctions d’élever, de soigner, de protéger, de nettoyer. Notons que ce ne sont pas les agriculteurs qui nettoieront les tonnes de lisier et de fumier déversés devant ou sur les bâtiments publics, mais des agents anonymes tout aussi mal payés qu’eux.
Les éleveurs et les éleveuses de bovins allaitants produisent de la viande. Ils font naître des animaux et les font tuer, certes. Mais ils élèvent des vaches, il élèvent des veaux. C’est le coeur de leur métier, la relation aux bêtes. Cela non pas parce que le syndicat leur a conseillé de mettre en avant sur les réseaux sociaux l’affection envers les animaux et le bien-être de ces derniers dans leur immense stabulation, mais parce que cela fait partie de leur travail, de ce travail qu’ils ne peuvent justement plus faire.
C’est pourquoi, s’il devait y avoir convergence de luttes, il faudrait d’abord construire un « mur de résistance » avec des infirmières, des aides-soignantes, des professeurs des écoles… Ce qui est en jeu ne relève pas seulement de règles et de normes ou du prix des carburants – ce n’est pas pour cela seulement qu’on se suicide-, mais du sens même du métier d’éleveur. Est-ce qu’il s’agit de produire de la matière animale exportable, des « tec» (tonne équivalent carcasse) de poulets standards, de porcs, de moutons ou de veaux dans un espace mondialisé cruellement concurrentiel? Ou est-ce qu’il s’agit de produire, de nourrir, de vivre et de travailler en accord avec les bêtes, avec nos concitoyens et avec la nature?
Construire une pensée politique
L’élevage est un métier du soin. Soin des animaux, mais aussi soin des sols, soin de la nature. C’est à cette condition que les éleveurs nous nourrissent. Entre les prairies, les vaches et nous, ils font circuler la vie. (…) Ainsi, de nombreux éleveurs ne se sentent plus à la hauteur. A la hauteur de leur métier, qu’ils ne définissent pas comme comme « le plus beau métier du monde » parce qu’il conduit à euthanasier des bêtes en pleine forme, ni parce qu’il joue ou non un rôle dans la balance commerciale, mais parce qu’il est important, crucial, vital. Il s’agit d’élever les bêtes, puis de nourrir les gens. Il s’agit de contribuer à la santé des unes et des autres. Il s’agit de participer à la beauté du monde en construisant des paysages, en admirant les bêtes et en les faisant admirer, les limousines, les aubracs, les salers, leur stature, leurs cornes (« Pourquoi ont-ils coupé les cornes des vaches? Elle sont laides, comme ça! », m’avait dit une vieille paysanne, tandis qu’un éleveur, plus récemment, constatait tristement que les vaches n’étaient plus rien que des « ventres à veaux »).
D.D
Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de Jocelyne Porcher, et de l’alimentation avec Jean-Claude Balbot. Ainsi que dans notre page Versant animal & végétal.
FRANÇOISE Sur 1 février 2024 à 16 h 09 min
Construire « un mur de la résistance »…l’idée de mur me dérange, mais résistance, bien sûr, mais pas seulement avec les humains …encore une fois, il faut élargir aux autres formes de vie… Je suis allée voir le site internet de ces bonnets jaunes (CR ou Coordination Rurale) que l’on a pu observer au volant de ces tracteurs dont le tableau de bord ressemble à celui de l’Airbus A380, et j’y trouve ces titres :
Le loup ne doit plus être prioritaire sur tout !
Campagnols : la CR renouvelle sa demande de dérogation
Dérogations pour lutter contre les nuisibles : les ministres et les préfets jouent le jeu !
Moins il y aura de sangliers, moins il y aura de dégâts !
La CR dit OUI au piégeage du sanglier !
Dégâts de pigeons et corvidés : la CR interpelle E. Wargon
Cormorans : cauchemar des pisciculteurs et des pêcheurs
Blaireau : la CR demande qu’il soit classable en nuisible
Sanglier bientôt nuisible sur tout le territoire national?
Construire une pensée politique qui ferait entrer dans ces crânes recouverts de bonnets jaunes que les VRAIS prédateurs dont sont victimes les agriculteurs ne sont pas ni le loup, ni le blaireau ni le cormoran mais les industries agroalimentaires , les plateformes logistiques de la grande distribution, les engrais, les pesticides, les semences traficotées (et brevetées par de gigantesques labo pharmaceutiques), les machines agricoles monumentales, les banques, les dirigeants de la FNSEA qui défendent avant tout leurs propres intérêts …
Mais moi, c’que j’en dis !