Hommage à notre amie Lotta. N°1051

Rien n’est jamais acquis. N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ».

Simone de Beauvoir, philosophe.

Je viens de rendre hommage à notre amie Lotta, dont les obsèques viennent d’avoir lieu. En rappelant, dans un texte lu, que nous nous étions connus à l’occasion des réunions de rédaction d’un petit journal local d’opinion. Et qui ne manquait pas d’humour. Il s’agissait d’y secouer les idées comme les châtaignes.

Un petit journal libre et ouvert qui s’imprégnait de tout ce qui bougeait à cette époque : entre autres, les questions autour du féminisme, de la contraception et de l’avortement en faveur desquelles elle militait. A la parution de son dossier sur le sujet, je me souviens de vives réactions. C’était en 74. Pas simple à l’époque compte tenu du poids qu’avait la religion dans notre campagne.

Ces questions redeviennent d’actualité depuis cet arrêté de la Cour suprême américaine, ce « cloaque d’extrême-droite » pour reprendre l’expression de Jane Fonda. Ainsi, de Téhéran, à Kaboul et maintenant à Washington, c’est encore et toujours aux filles et aux femmes qu’on s’en prend. Face à cette saloperie répugnante, les féministes américaines vont devoir remonter au combat, un combat qu’on pensait gagné depuis longtemps dans les pays occidentaux.

À la suite de cette décision, quelque 25 États sur 50 pourraient décider de rendre l’avortement illégal. Les médecins qui y contreviennent risquent la prison à vie et des amendes pouvant aller jusqu’à 100 000 dollars. Avec des conséquences concrètes sur la vie de centaines de milliers de femmes, notamment les plus pauvres qui ne pourront pas se déplacer vers des États où l’avortement restera légal et sûr.

Simone de Beauvoir avait vu terriblement juste lorsqu’elle affirmait que « Rien n’est jamais acquis. N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ».

Comme si cela ne suffisait pas, dans le même temps, cette même Cour suprême acquise à la cause du nationalisme chrétien, du lobby des armes (la National Rifle Association- NRA), et des lobbys qui organisent et financent les nominations, vient par ailleurs d’autoriser de fait tout individu à déambuler dans le métro armé d’un fusil semi-automatique. A toutes ses décisions aucun recours n’est possible, et ses membres sont nommés à vie.

Dans son article de L’Harassoire, ce petit journal local – duquel Radio Univers en est, dans l’esprit, le prolongement-, Lotta y exprimait à juste titre cette évidence : l’accès à l’avortement est un pilier essentiel de l’égalité femmes-hommes, qui commence par la liberté de disposer de son corps. Le limiter ou l’interdire conduit automatiquement à perpétuer des inégalités de genre en matière d’éducation, de participation au monde du travail, de salaire, de progression de carrière.

Ainsi, lors de cet éloge funèbre, je n’ai pu m’empêcher de penser à ce sur quoi notre défunte amie, Lotta, nous aurait alerté 48 ans après : N’oubliez jamais !

Repose en paix, Lotta, et plein de pensées et d’amitié vers les tiens, qui sont aussi les nôtres.

D.D

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de l’ IVG. Ainsi qu’autour du féminisme, de Simone de Beauvoir, et de l’Harassoire.