Fleuves, « une qualité de lien social qui passe par la danse. » N°941
Écrit par admin sur 20 mai 2020
Un excellent article de Libération en date du 29 et 30 février, constatait la résurgence de genres musicaux marginalisés. En voici la présentation: « Le retour de flamme des musiques traditionnelles. De la Bretagne à l’Occitanie, bals, concerts et festivals affichent complet et signent le renouveau d’une scène traditionnelle longtemps méprisée. Sans en renier l’héritage, de jeunes musiciens ont modernisé le son, tutoyant la techno ou le rock expérimental, et défendant leur langue et leur culture loin du jacobinisme parisien. »
Son auteur, le journaliste Eric Delhaye, citait l’exemple de Fleuves : « Au Festival Interceltique de Lorient ou au Yaouank, un fest-noz géant au Parc-Expo de Rennes, ce trio clarinette-basse-Fender Rhodes anime des milliers de danseurs sur une musique qui emprunte au jazz et aux transes électroniques tout en respectant les codes chorégraphiques de la gavotte ou du plinn. « On ne revendique pas un enracinement territorial mais une qualité de lien social qui passe par la danse « , précise le claviériste Romain Dubois en déplorant que Fleuves, plébiscité en fest-noz et invité du dernier festival Jazz à Vienne, soit snobé par les programmateurs des scènes de musiques actuelles: « Pourtant, ils rempliraient leurs salles parce que le public est derrière nous. »
Bon, ça s’était avant. Quand danserons-nous encore ? Quid de la coprésence corporelle de l’autre ? Cette expérience héritée de la solidarité festive à provenance immémoriale aujourd’hui remise en cause par les austères gestes barrières, n’est pas neutre. Tant que ce coeur humain fonctionne plus ou moins humainement.
« Le toucher est essentiel pour le développement d’un individu tout au long de sa vie car il génère une sécurité affective dont tout le monde a besoin. Ainsi, l’interdiction de se toucher et de se rapprocher joue sur l’édifice profond de notre tranquillité intérieur. » expliquait dans un entretien à Libération du 13 mai, l’anthropologue de la communication Fabienne Martin-Juchat.
Auteure de Triste distance – à lire ici- , la chercheuse en science de l’information et de la communication ajoutait dans l’entretien cité ci-avant: « Le besoin de contact est un élan social vital. Il suffit de voir la créativité des citoyens pour maintenir la socialité. Toutes les solutions sont bonnes pour ressentir de la proximité même si elle ne peut être à ce jour que numérique ».
Au-delà des situations de la vie courante, le plaisir du jeu corporel par le sport, la danse et toutes les autres pratiques d’écologie corporelle propres à nos sociétés est fondamental, et on ne saurait s’en passer sans dommage. »
Fabienne Martin-Juchat – Triste distance.
« Faire preuve de créativité et ne pas négliger les conséquences à long terme. » prône-t-elle. Sachant que le besoin primitif de nous parler, de nous toucher, de nous aimer, qui nous accompagne depuis pas mal de millions d’années, est l’antithèse des gestes barrières. Alors à celles et ceux qui ont un goût prononcé, entre autres réjouissances, pour les fest-noz ou toutes autres danses populaires, et qui donc aiment le lien reposant, disponible, intriqué, qui prend corps avec d’autres, pour toute créativité sociale il leur reste… le lugubre droit à l’image ! Tout va pour le mieux.
Soit bien peu. Des broutilles. Non sans optimisme, cependant. Bien sûr, n’en doutons pas, entre défense d’une culture affirmée et goût pour l’expérimentation, où bat effectivement le pouls du monde, l’amicalité aux yeux devenus de ce fait plus expressifs, saura reprendre pied de mille manières différentes dès les premières barrières levées.
Voici donc en intégralité le concert de Fleuves au dernier festival Yaouank, en novembre 2019. Dont ici nous sommes fiers compte tenu du lien particulier de Radio Univers avec ce trio.
D.D
Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de Fleuves.