Fleuves & Sarah Floc’h, « Odyssea. » N°996
Écrit par admin sur 9 juin 2021
Fleuves, un trio qu’on ne présente presque plus, et dont on est très fier, compte tenu du lien particulier de Radio Univers avec ce groupe, voir ici. Mais comme Fleuves suit son cours à vive allure, voici le clip de la sortie de son nouvel EP Odyssea (dispo sur toutes les plateformes, Spotify, Deezer, Itunes…)
» Cette dernière année aura été marquée par l’arrêt de la danse collective, celle où les corps auront été règlementés, presque anesthésiés. On a donc voulu sur ce temps bien particulier, ouvrir d’autres perspectives et d’autres imaginaires, en travaillant sur la langue bretonne, sur ce qu’elle évoque et donne à voir du monde. Créer pour rester vivants ! » ( Fleuves sur leur page FB).
L’EP Odyssea, ce sont quatre récits d’existences en mer mais pas seulement. Voyez, toute interférence avec des événements qui ont cours autour de la défense de la langue bretonne, est par conséquent purement fortuite. Cela dit, la sortie concomitante de ces quatre morceaux comprenant entre autres, le célèbre chant devenu un classique du répertoire traditionnel « Me zo ganet e kreiz ar mor » (« Je suis né au milieu de la mer »), accompagnés par « le son Fleuves » reconnaissable entre tous, retiendra opportunément l’attention.
D’abord par ce clip. Dans lequel ce poème est devenu chant délicat, musique inspirée, et révolution esthétique pour la danse trad’. En lien avec la symbolique des lieux, un monde d’acier et de gigantesques grues, ces points de repère locaux de la mondialisation.
Il s’écoute ainsi dans l’interaction visuelle et sonore. Entre ces entrailles du terminal industrialo-portuaire de Brest qui fait silence et le présent-vivant de ce son, d’une langue ici mélodique, et de la danse qui de ses hanches, pieds, yeux, reins, tresse des torsades d’élan vital face à la mer.
Puis en raison de ce que les paroles de cet EP Odyssea animent d’une charge neuve la langue bretonne. A savoir qu’elles ravivent et interagissent dans le présent quand elles s’emparent elles-mêmes de la réalité, comme rendre « visibles » les vies invisibles des travailleurs pauvres dont « personne ne chante les louanges ». Ou oser dire sous une forme débarrassée de toutes conventions traditionnelles, ce qui suit :
Parce qu’il est temps de réveiller les corps…Parce que le virus n’aura pas notre peau…Parce que le breton n’est pas mort…Parce que c’est samedi soir: O Tañsal!!!
O Tañsal!!! ici.
Se détache du lot le morceau Odyssea car cette fois, il est en français. Autre intense contemporanéité. Celle d’envoyer depuis les quais de déchargement, des signaux d’alerte sur la tragédie des migrants embarqués pour le voyage vers l’Europe :
Le soleil est descendu, je les vois, ils s’approchentCe nuage est bienvenu, invisible, je m’approcheJe m’accroche à leur étrave, c’est à peine un bateauIls sont encore si nombreux, cet enfant est si beau.
Bonsoir femme, n’as-tu pas peur de lâcher ton enfant ?Il dort bien mais si il pleure, il réveillera le ventSi tu veux, je peux le prendre, il n’aura plus jamais faimDonne –le-moi je veux apprendre à aimer un humain.Non, sirène, laisse –nous donc, cet enfant n’est pas mienIl est lui, il est au monde et je veux qu’il soit bien.J’ai quitté mon bout de terre : il serait devenu soldat.J’ai traversé des frontières car il peut être roi.Pauvre femme, tu es naïve, rien ne l’attend là –bas.Il sera, si il arrive une épave et puis toi,Tu devras pour qu’il survive vendre encore plus que ta vieDonne –le moi, si tu me fâches, vous coulerez tous ici.
Non sirène, le vent se lève mais je ne lâcherai pas :Il est tout, il est ma sève, je sais qu’il grandira.Des centaines parmi ses frères dorment dans les plis de tes rochesMais lui il s’ra capitaine du bateau qui s’approche. »Texte de Sarah Floc’h et Nolwenn Guiziou.
Odyssea. ici.
Se dire enfin qu’envers et contre tout, grande frustration, avenir incertain et équilibre précaire, usés comme tout le monde des sempiternels reports et remous, ces artistes n’ont pas manqué d’ardeur à refaire entendre les coups brefs de la danse et du chant, comme le temps de la pulsation, les coups de la respiration.
D.D