Fabienne Swiatly, la « méprisante médaille donnée aux soignants. »

Mon père qui fut un père difficile à aimer m’aura transmis au moins une chose importante : la méfiance des honneurs distribués par l’État. Il aura eu cette lucidité de toujours refuser les médailles. A trois occasions : à la fin de la guerre, pour le sang qu’il a donné avec une régularité étonnante dès sont plus jeune âge, puis pour son mérite au travail (pour la sueur et le temps donnés aux patrons des Aciéries lorraines). Il avait une phrase que je n’ai jamais oublié : Faut être con pour accepter un truc aussi moche. Et, je crois que j’en ferai de même si une médaille m’était proposée. Les médailles sont laides et la liste des médaillé.es comporte toujours son lot d’opportunistes, de peu méritants voire de peu fréquentables. Celle que l’État veut donner aux soignants et soignantes me semble particulièrement méprisante : Médaille de l’engagement. Une fois accrochée à leur blouse, on les invitera à retourner dans leur service, à remplir les tonnes de paperasse, à se contenter de leurs salaires. Les soignantes et les soignants ont fait leur job et si les conditions ont été difficiles, c’est d’abord dû au démantèlement et à la précarisation des hôpitaux publics. A une mauvaise gestion d’une épidémie pour des raisons économiques et politiques (combien de contaminations pendant le premier tour des élections ?) Aux soignantes et aux soignants, je n’ai aucune médaille à donner mais une parole : mon engagement à leurs côtés quand viendra le temps de battre le pavé. Avec ou sans masque.
ET aussi les mots de Prévert (que je relis beaucoup ces derniers temps) dans son poème L’effort humain :
(…) La misérable chaîne
où viennent s’accrocher
les breloques divines
les reliques sacrées
les croix d’honneur les croix gammées
les ouistitis porte-bonheur
les médailles des vieux serviteurs
les colifichets du malheur ….

Fabienne Swiatly, poète -Journal du bord (de Saône), tiré de sa page FB, en date du 14 mai.

A ré-écouter à cette occasion notre entretien avec Fabienne Swiatly, ici.

Nos autres entretiens avec les poètes, à écouter là.