« Epoque » N°1149
Écrit par admin sur 23 mai 2024
« Époque.
Nous sommes dans une nouvelle ère où le danger de catastrophes majeures ne dépend plus des conflits.
Sur la pente d’où tombent les avalanches, s’accumulent les causes de l’exploitation intensive et forcenée des ressources vivantes de la planète.
Sous cette pression, la terre monte à des dixièmes de température fiévreuse, asphyxiée par des émissions toxiques massives et multiples.
Les villes ressemblent aux fumoirs des aéroports.
Les campagnes sont droguées d’engrais chimiques et de pesticides qui déciment la matière biologique du monde.
La paix de l’avenir devra alors passer non seulement par l’interdiction de l’usage des armes et l’excommunication de toute cause de celles-ci.
Elle devra impliquer et pratiquer le verbe convertir, celui des transformations intérieures profondes qui, de manière laïque et religieuse, embrassent les choix du salut.
Toute conversion est une abjuration : il faudra en prononcer beaucoup.
Des modes de vie sobres en moyens de subsistance devront voir le jour, prenant soin des formes de vie, travaillant dans les nouvelles économies de réparation pour guérir les dégâts produits par l’essaim de criquets de l’exploitation.
Des prophéties surgiront, d’abord rejetées puis sanctifiées, des écritures d’abord ignorées puis saluées.
Le nouvel âge aura besoin de la nouvelle épopée. »
Erri De Luca, écrivain – « Epoca »,– sur le blog du site de sa fondation, le 20/05/2024.
« Impliquer et pratiquer le verbe convertir »… et espérer que tout le monde sera gentil, ce n′est hélas qu′un vœu pieux. Un rappel qui laisse un goût amer alors que 25% des espèces animales et végétales, soit un million d’entre elles, sont menacées d’extinction. En fonction de quoi la COP15 de Montréal de 2022 a abouti à un accord contenant des objectifs chiffrés, notamment la protection de 30% des terres et de 30% des mers à échéance 2030.
» abjuration : il faudra… »… et monologue intérieur par sale temps. Le hold-up anti-démocratique récent du puissant syndicat agricole sur-médiatisé, et la défaillance impardonnable de nos gouvernants débouchant à l’accord Ecophyto, ne s’empressèrent-ils pas à anéantir de facto ces engagements internationaux de la COP15 ? D’autant que cette gravité est électoralement accablante, lire ici.
« La France artificialise chaque année des surfaces agricoles qui sont de nature à nourrir la ville du Havre pendant un an. C’est un vrai drame. » dit Marc-André Selosse, biologiste, naturaliste, spécialiste des associations à bénéfices mutuels (symbioses) et professeur du Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN). Il est l’auteur de l’ouvrage « Nature et préjugés. Convier l’humanité dans l’histoire naturelle ».
« Le nouvel âge aura besoin de la nouvelle épopée »… et plainte sans fin qui n’y changera rien. Car, à propos de biodiversité, rappelle André Selosse » Les victimes suivantes, c’est nous ».
Ainsi dit-il « nous sommes dans une crise globale. Nous avons tendance à penser que la biodiversité, ce n’est pas important. C’est faux. Ce sont des ressources que nous utilisons, pour manger par exemple. Ce sont aussi les organismes qui font fonctionner des écosystèmes, comme le stockage du carbone par les espèces forestières, ou la biodiversité au sol malmenée à cause du labour, des engrais, des sols nus en hiver. Ce qui entraine la disparition d’espèces qui ont des rôles notamment d’auxiliaires de croissance des plantes ou pour attaquer les minéraux ou la matière morte dans le sol et libérer des ressources alimentaires. On peut voir la biodiversité comme une liste d’espèces, mais ce qui est important, c’est que ces dernières modifient leur milieu en vivant. (…)
C’est une crise de l’humanité, pas de la biodiversité. Une crise de la vivabilité de la terre pour les humains. Mais comme pour l’instant il n’y a pas de planète B, c’est une crise absolue. Quand on comprend qu’il y a aussi une biodiversité fonctionnelle qui se cache derrière la biodiversité des espèces, on comprend que les victimes suivantes, c’est nous. Cela ne veut pas dire que nous allons mourir, mais que l’on vivra moins bien. » (entretien accordé à L’Humanité, le 22 mai)…