« Ce n’est plus la démocratie ». N°1183

Le Département d’Ille-et-Vilaine et son président annoncent quitter X (twitter), le réseau social d’Elon Musk, ce jeudi 9 janvier. « Le réseau social a atteint aujourd’hui un niveau de toxicité qui n’est plus acceptable : absence totale de modération, prolifération de discours haineux et violents, mise en avant algorithmique de contenus extrémistes et climatosceptiques, complotisme », dénonce le président du conseil départemental dans un communiqué. « Les discours modérés sont systématiquement invisibilisés par l’algorithme. Cette dérive est incompatible avec les valeurs du Département d’Ille-et-Vilaine ». Et à son tour, la Région Bretagne et son président viennent de le rejoindre en dénonçant l’absence de modération : « Ce n’est plus la démocratie » (Loïg Chesnais-Girard) – lire ici. Nous les en félicitons.

Prévoyante Radio Univers l’a été, car jamais elle ne s’est connectée à Twitter (X), et c’est a minima qu’elle a rejoint facebook, pour uniquement y déposer cette Chronique d’ici-même. Bref, nous ne sommes pas des pratiquants des « réseaux sociaux « , n’ayant jamais cru à leur durable fiabilité.

Mieux même. Par la Chronique d’ici même, il a été fait écho – il y a bien vingt ans déjà- à la pensée de Bernard Stiegler, comme aux travaux d’enquête d’Antonio Casilli, entre autres. C’est bien la preuve que nous avons été vigilants, autant que faire ce peut, face à cet objet, « l’internet « , une technique, mais moins compréhensible que la poterie, la vannerie ou la métallurgie. Nous y sommes confrontés au quotidien, quels que soient nos métiers. Stiegler s’employait à le questionner sous l’angle philosophique, communicationnel et social. Et ici nous le suivions à la trace, et il lui en fallait de la vaillance car de traces, il en laissait beaucoup (bouquins- voir sa page sur Lieux-dits.eu: ici-, vidéos). Bref, il s’est débattu comme un beau diable pour alerter.

Ce faisant, il nous avait semblé que, considérant les caractéristiques de cet objet, la démarche la plus humble et la plus efficace consistait à s’engager dans une étude attentive de nos propres pratiques. Sans rien céder au caractère routinier dans l’usage de ce tiers extérieur que sont ces algorithmes – c’est-à-dire des automatismes qui intègrent, tracent et manipulent nos automatismes- de reprise sans recul des informations diffusées par les médias et les grands groupes de l’internet. Ebahis, restons-nous, par l’affaiblissement de l’esprit critique à leur égard.

Penser l’objet, voilà ce qui aura manqué lourdement. Ce philosophe de la technique, Stiegler, qui tenait compte des prises de conscience, prédisait, peu avant sa mort (le 5 août 2020), qu’il était trop tard. Que l’Europe démocratique était fichue faute d’avoir voulu réagir à temps. Il voyait le fascisme nouveau se mettre en place. Par les géants 2.0 multimilliardaires et la mise en ordre de marche de la tech avec l’arrivée de l’I.A (Intelligence Articicielle) en la  » présentant comme un merveilleux progrès – tout cela pour pouvoir imposer une stratégie de marketing global qui leur permettra de mettre la main sur les marchés, par exemple, de la médecine, de l’éducation, de la sécurité, de l’urbanisme.  » (Stiegler).

Nous sommes, disait-il alors, « Totalement dépendants du web, ce n’est pas la démocratie ça. » Avec ses indéniables accents tragiques, il savait avant tout le monde, avec justesse, la mesure de la condition humaine sur le point d’advenir.

D.D

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de Bernard Stiegler. Ainsi que d’ Antonio Casilli, Jonathan Crary et Miguel Benasayag.