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Bric à brac. N°582

Écrit par sur 5 juin 2013

Pas content « notre » Bernard ! Je relaie ici l’interview récent (au moment de l’affaire Cahuzac) de Bernard Noël, poète et ami de la maison de la poésie de Rennes que nous avions rencontré en avril 2012, en début de campagne des présidentielles. Et à qui s’adresse ici notre salut.

Bernard Noël parle ainsi de « déchet » et de « misérable reste ». Ces mots me renvoient, je l’avoue, à la mise en vente aux enchères à laquelle j’ai participé sans acheter. Car à sa manière celle-ci renseignait beaucoup sur le devenir du bric à brac, ces meubles et bibelots une fois la maison vidée. Une fois enlevé ce qui était dans les tiroirs, quand fut répandu le linge, la vaisselle, les vêtements, les papiers, les traces de leur vie. Vider, évider. De leur sens. Comme on ôte les entrailles d’un poisson ou d’une volaille.

Bon d’abord, que l’on vide de ses entrailles cette demeure suscite une forme de mélancolie. Qui n’a rien de désagréable. « Tout passe .» « Tout est vanité. » Assister à de pareilles enchères c’est se placer face à cette absurdité du temps. Bien sûr leur rachat par d’autres peut permettre à ceux-ci soit en quelque sorte de s’introduire au milieu d’existences bourgeoisement rangées, soit d’en donner un autre sens sans lien avec le précédent.

De deux, c’est prendre en compte disons les éléments de contexte. A qui ça correspond, d’où viennent toutes ces choses. A Saint-Georges de Reintembault, là où la vente avait cours, tout était resté en l’état depuis cent ans dans cette maison de commerçants en quincaillerie, située au n°1 de la Rue de l’Eglise. A l’angle de la rue Jean Janvier. Dans un de ces nombreux bourgs sinistrés de campagne où tout est à vendre ou le deviendra. Que tout soit resté en l’état justifiait l’intérêt d’une vente in situ, selon la commissaire-priseuse très en verve. Le déplacement de tout ce mobilier au palais des ventes aurait fait perdre son authenticité. Dit-elle. Dit autrement : comme cette vente ne pouvait intéresser que les gens du coin hormis un bronze, des enchères de proximité se révèlent toujours plus profitables en terme de plus-value.
Ces objets, ces reliques, une fois privés de la chair de leurs propriétaires ayant reçues ces biens par voie d’héritage –deux sœurs décédées en novembre dernier, parties à 88 et 89 ans l’une après l’autre sans que l’on sache dans quel ordre, et sans que personne ne s’en aperçoive puisque leurs corps furent découverts tard après leur mort- sont devenus quasiment des signes de disparition en silence de cette civilisation ancienne des campagnes. Qui est morte. Et qu’on enterre symboliquement sous cette forme. Qui plus est en grandes pompes, rue de l’Eglise.

De trois, l’on parlera des vestiges de l’époque. Des traces. La discrétion nous conseille plus de modestie : le son d’un verre de cristal –que la joyeuse commissaire-priseuse nous fît observer comme preuve de qualité et qui du coup introduisit de la couleur dans un paysage grisâtre- ne troublera pas l’ordre du monde.

Enfin dernier point, certains ne retiendront seulement qu’ils étaient venus là nombreux que pour faire de bonnes affaires. D’où la satisfaction du vainqueur qu’exprime à son visage celui-ci qui repart avec son lot. Pour qui seules comptent les bonnes affaires -indispensables condiments à la réussite en enchères. Naturellement toute ressemblance avec une situation politique existante est purement fortuite. Quoique…

D.D


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