Alain Damasio, « On est à l’état de société humaine la plus contrôlée de toute notre histoire. »
Écrit par admin sur 12 juillet 2019
Fuir est un mode de résistance inévitable aujourd’hui. On est en société de traces, de contrôle avancé. L’arrivée du numérique a tout accéléré. Avant, il n’y avait que le réseau policier, les RG, quelques caméras dans les rues et on s’en plaignait. Quand j’ai écrit la Zone du dehors, entre 1992 et 1995, qui est déjà un livre sur la société de contrôle, je n’avais pas du tout anticipé l’apparition des smartphones et de la vie en réseau. On se trouve aujourd’hui dans un monde où n’importe quel acte produit de l’information, dès que tu cliques, envoies un SMS, paies avec ta carte ou utilises ton passe Navigo. Et par-dessus, le téléphone portable est devenu le traceur numéro un. J’estime donc que le premier degré de liberté que l’on peut reconquérir est d’échapper à ce système de traçabilité. Il faut trouver des angles morts, des failles, des brèches, des endroits où il y a encore une forme d’invisibilité. Sans faire d’emphase, on peut dire que l’on est à l’état de société humaine la plus contrôlée de toute notre histoire. Même si ce contrôle est dans la plupart des cas uniquement potentiel, cela reste extrêmement dangereux. Il suffirait d’un changement de gouvernement pour basculer comme jamais. Je crois que les gens, dans notre sorte de flottement démocratique actuel, ne le mesurent pas du tout, bien qu’il y ait une sorte d’instinct animal chez certains qui refusent le téléphone portable. »
Alain Damasio, extrait de l’entretien paru dans l’Humanité le 31.05, à l’occasion de la sortie de son roman SF « Les Furtifs ».