A Notre-Dame-des-Landes. N°743
Écrit par D.D sur 13 juillet 2016
En ce dimanche j’ai rendu visite à Notre-Dame-des-Landes. Promenade pensive parmi les 15 à 25 000 autres visiteurs sympathisants lors du grand rassemblement des opposants au projet d’aéroport.
Qui a battu son plein de débats et témoignages en ces lieux retirés. Parce que les choses y devaient être dites sous ces chapiteaux sans branche ni feuille.
Et sous l’effet de la nature : bocagère où l’on y gagne simplement sa vie. Condition qui favorise riches rencontres et esprit sympa. Comme si ce dernier fut ainsi ici déposé au petit matin dans un silence profond par les oiseaux eux-mêmes concernés par ce projet.
Un rassemblement bucolique, bien pépère, en prairies herbeuses au calme délicieux qui contraste totalement avec la renommée médiatique voire « guerrière » accordée à ce mouvement et connue de tout le monde. En fait il y règne en cette officielle Zone d’Aménagement Différé -baptisée par ses occupants Zone A Défendre- dans laquelle ses habitants peuvent être chassés à tout instant (l’arrêté d’expulsion est pris, bien que quelques fermes familiales y fonctionnent encore, pour l’une installée-là depuis cinq générations), une apparence de tranquillité qui semble plongée néanmoins dans l’attente…
Dans l’attente d’une décision d’intervention policière, voire militaire. Qui en effet peut s’abattre à tout instant ! Même si la manoeuvre apparaît risquée.
Car si casser et coffrer manu-militari, non sans risque sur la vie d’autrui comme on le sait depuis Sivens, du Zadiste après l’avoir coursé à travers boue, champs bien ordonnés et talus, obstacles et ornements, ou dans la profondeur des bois, renforcerait immédiatement la raideur invincible de cet homme bien « intentionné et responsable » qui nous gouverne et raviraient les médias, chasser de leurs fermes à grand renfort d’hélicoptères, canons à eau, nuages lacrymaux et autres flash-balls, les paysans réfractaires avec leurs dizaines de vaches prêtes à meugler soulèverait nombre de mobilisations solidaires de tracteurs, comme occasionnerait de grandes vicissitudes électorales dont le calcul politique mériterait d’être mesuré à l’aune des sillons profonds laissés durablement dans l’opinion publique.
Pour chasser sans occire quelques membres de cette infanterie chamarrée du monde sauvage c’est toute la sagacité du monde policier qui devra être mobilisée afin de garantir à travers les bosquets le succès de l’entreprise VINCI Airport, délégataire de service public ! Alors…
Une Zadiste, je suppose, m’a tendu un texte signé d’une dénommée Camille, une des habitantes de la ZAD. Ayant pris racine, ils sont 200 bien décidés de champ en champ à s’accrocher aux herbes, arbres, flaques, racines, feuilles, brindilles et au gémissement du vent !-voir ici.
Et pour faire honneur au combat monté en graine, qui s’est déployé et a grandi comme des ronciers de mûres contre cet aéroport « mensonge d’Etat » sur terre fertile, où la nature se fond tout entière dans la joie, eh bien je lui cède la place ce jour. Sachant que ce texte, avec sa perception poétique, n’est pas l’expression représentative de l’ensemble des résistants à ce projet, qui sont des gens de tout âge, qui viennent du coin ou de plus loin, qui sont d’opinions comme il y a autant de teintes et nuances dans les boqueteaux.
Bref, ce texte qui affirme clairement les faits et peut ravir l’imagination, n’est donc l’expression que de celles et ceux que l’on nomme les Zadistes venus se battre pacifiquement en occupant les lieux en prônant avec douceur un mode de vie alternatif en harmonie totale avec les éléments naturels et les brumes de la terre. Et qui, avec ténacité campant dans les champs -la nature s’occupant de leur bien-être-, poursuivent leur idée avec un élan et une aspiration illimitée susceptible de concerner l’humanité. Puisqu’il s’agit là de tout ce qui est créé par les façons de vivre, certaines socialités entre certaines personnes, les discussions :
« Notre-Flamme-Des-Landes
Ce dimanche 26 juin, un vote de « consultation » à propos de la construction d’un aéroport a eu lieu en Loire-Atlantique. Les observateurs attentifs n’auront pas manqué de remarquer à quel point le scrutin a été manipulé à tous les niveaux possibles, et très grossièrement. Les procédés habituels ont été utilisés pour transformer les 272.180 avis favorables – pour 1million350.000 habitants – en un glorieux 55,17% sur les écrans de tout le pays. C’est un score plutôt faible, pour des dés si lourdement pipés.
Ce pitre de Manuel Valls annonçait ce mardi à l’assemblée nationale, à propos d’un éventuel référendum (en France) sur la sortie de l’Union européenne, qu’« Un référendum ne peut servir à balayer un problème sous le tapis ; Il ne peut être le moyen de résoudre une affaire de politique nationale ». Nul doute que les résistantes de Notre-Dame-des-Landes en feront la preuve.
Beaucoup d’entre nous n’ont pas oublié le résultat du précédent référendum à propos de la constitution européenne. Nous vivons dans un pays où il est d’usage de déclencher des guerres, et l’état d’urgence, sans demander l’avis du peuple. L’utilisation récente du 49.3 et de violences policières incessantes et très brutales, pour tenter de taire la révolte contre la loi travail et son monde, montre assez le mépris qu’a la classe dirigeante de l’idée de démocratie. Le gouvernement a au moins deux autres raisons d’abandonner sa parure démocratique. La première, c’est que seuls les plus mystifiés y croient encore sincèrement. La deuxième, c’est qu’il a été élu sur un programme socialiste.
Dans ces conditions, l’essence médiatique, et non démocratique, du système de vote apparaît clairement. Il ne s’agit, au fond, que de donner quelques arguments, et un peu de bonne conscience, à des individus contraints d’accepter tous les caprices du pouvoir marchand ; Et qui voudraient conserver l’impression qu’ils sont autre chose que les serviteurs déconsidérés d’un tel pouvoir. Le spectacle politique donne la fausse impression d’une pluralité des possibilités, il entretient des illusions pour mieux les décevoir.
Ce que chacun expérimente quotidiennement, c’est qu’il n’y a pas de démocratie véritablement possible dans le système de production-consommation, où l’on tente de nous enfermer. Un tel système ne peut être que dirigé par une minorité en position d’imposer ses choix. Qui peut contester les décisions de son patron ? de son parti ? de sa chaîne de télé ou de son supermarché ? L’Internet « participatif » ne fera pas mieux. Ce vaste monde est usine dont le produit final est soumission. La chaos climatique, culturel et humain qui nous frappe de plus en plus durement ne sera pas résolu par une quelconque organisation au pouvoir. De telles entités n’en ont ni l’intérêt, ni les moyens. Elles se sont bâties sur le mensonge, se perpétuent par le mensonge et mentent désormais sur leur inévitable effondrement. Déçues par les fausses solutions, et les faux semblants, certaines d’entre nous ont décidé de tenter de devenir une part de la solution, plutôt que de continuer à être une part du problème.
La victoire obtenue par les résistantes de Notre-Dame-des-Landes, c’est d’avoir fait la preuve qu’il est possible de se dégager de cette société du chantage. La recette, en théorie, est bien simple : il s’agit d’autonomie. Construire son habitat, cultiver ses légumes, publier ses idées, prendre possession des routes et des champs. Reprendre en mains tous ce qui compose nos vies, ensemble, et résister à l’ennemi. Ici, la question de l’aéroport n’est qu’accessoire. Le véritable enjeu, c’est d’ôter le contrôle de nos vies à cette vaste mafia que l’on appelle « mondialisation économique ». Il n’est pas question de retour en arrière, de réintégration au cours de la normalité après une pseudo-victoire. Au contraire, nous sommes l’une des bases logistiques disponibles pour celles et ceux qui veulent rejoindre l’aventure. L’équivalent moderne de ces réseaux d’évasion d’esclaves.
Notre projet s’oppose totalement, et définitivement, aux propriétaires de la société. Pour eux aussi, cela fait bien longtemps que la question n’est plus celle de l’aéroport. Ce qu’ils voudraient cacher ; et que nous avons tout intérêt à montrer. Là est le sens profond de cette soi-disant consultation : envoyer l’armée mutiler la résistance au nom la démocratie.
Ce nouvel assaut militaire, il est improbable que nous puissions y résister par la force. Notre grande connaissance du terrain, et le vaste soutien populaire dont nous bénéficions, sera peu de choses face à un état plus violent que jamais. Ce qui peut nous tirer d’affaire, c’est une contre-offensive d’une ampleur et d’une puissance inédite. L’assaut sur Notre-Dame-des-Landes sera, nous l’espérons, l’occasion de déstabiliser durablement la force autoritaire qui sévit, partout dans le monde, au nom de l’intérêt économique. Elle sera l’occasion, aussi, de multiplier ces expériences d’autonomie dont découlent des modes de vie bien plus riches, bien plus beaux, que tout ce que leur monde pourra jamais nous proposer.
Le conflit à venir est l’opportunité de nous rassembler pour se dire nos volontés, nos espoirs, nos désirs. Et peut-être, ensemble, découvrir comment bâtir des mondes qui correspondent à nos attentes, et que personne ne bâtira pour nous.
Camille »
Enfin, pour bien comprendre qu’ils « ne lâchent rien ! », son de la chaude ambiance de clôture du rassemblement :
http://www.radio-univers.com/lab/nddlnddl2016]
D.D
Ce qui a été écrit et dit ici-même autour de Notre-Dame-des-Landes.
Et puis voir ce petit film, Zone Humide à Défendre, pour les arguments et pour la beauté du site et du vivant … :