Le « Tricot de la Terre. » N°1177
Écrit par admin sur 4 décembre 2024
Bien ancrée en Bretagne, l’horizon du paysage local d’automne avec la sculpture monumentale du « Tricot de la terre» s’ouvre sur le monde. En 1993, le sculpteur franco-japonais internationalement reconnu, Tetsuo Harada, y avait organisé le premier symposium international de sculpture sur granit breton avec les municipalités de Lanhélin, St Pierre de Plesguen et Tressé, en un lieu d’Art public (« Le jardin du granit).
Dans ce cadre, l’oeuvre qu’il proposa à cette occasion est en Granit bleu de Lanhélin – Hauteur : 3,70 mètres. C’est une déclinaison de son concept « Earth Weaving» (« Tricot de la terre»), visant à symboliser « le lien entre les pays dans la fraternité avec des anneaux de granit », autour duquel il n’a cessé de graviter sa vie durant.
» Le Tricot de la Terre est fait d’immenses boucles de granit qui surgissent du sol avant de retourner à la terre. Des irruptions similaires ont été observées en d’autres points variés et cosmopolites du globe », ainsi en parlait-il lors de ce symposium où nous l’avions rencontré. D’où cette Chronique d’ici-même.
« Mes oeuvres tissent un lien d’amitié entre les mondes, entre les peuples » (in journal de Clermont-Ferrand). “Mes sculptures ne sont pas uniquement des objets de décoration. Ma motivation est de transmettre un message de Paix, d’Union et d’Amour. J’étais à Pietrasanta où Michel-Ange a travaillé. Je médite sur ses sculptures. Dans “David”, il souhaitait transmettre un message de jeunesse et de beauté, dans la “Piéta” un message d’amour et dans l’esclave un message de force et de liberté. De même que Michel-Ange, je communique ma sensibilité artistique. »
« Le Tricot de la Terre » est un ensemble de sculptures qui couvre le monde.(…) Le Tricot de la Terre fait de boucles et de liens traverse la planète, la nourrit et l’unifie. Les mailles symbolisent la volonté de dialogue de Paix, d’Union et d’Amour tissées afin de réunir les hommes, les peuples et les continents. Plus je voyage et plus j’ai envie de servir la Terre, de la protéger et de rendre plus de place aux valeurs fondamentales de l’homme. C’est dans cette philosophie de Paix, d’Union et d’Amour que je conçois mon devoir d’artiste”.
Il pratiquait presque exclusivement la taille directe de la pierre – en lire la signification ici. « Les sculptures en taille directe existent depuis la Préhistoire. » Comme aussi la pratiquait son aîné Morice Lipsi – sur une photo de groupe prise à la carrière Chauffetière de Saint-Pierre-de-Plesguen – voir cette autre Chronique – ici – à la gauche de l’enfant au dossard 33, en compagnie d’ouvriers tailleurs de pierre- où se façonnait par ce dernier en 1971-72 « Dialogue de la tangente et de la verticale« , une sculpture en Granit bleu destinée Lycée national de Lannion.
Lors de ce symposium, sa sculpture comme l’ont été celles des autres sculpteurs participants d’horizons esthétiques très différents, fut réalisée en 24 jours avec peu d’outils (burin, meleuse, disqueuse) et sous nos yeux.
« Si une sculpture dégage une sensation, un sentiment, une expression, un esprit, si elle fait voyager, rêver, alors elle fonctionne. »
« Je travaille beaucoup avec la musique classique ou la musique pop actuelle car j’ai besoin d’être nourri par des styles différents. j’ai besoin de cet accompagnement car il m’apporte de la gaieté et de la liberté d’esprit. Lorsque je suis arrivé en France j’écoutais Piaf, Bécaud, Aznavour, Montand. Dans ma jeunesse, côté classique; j’écoutais aussi Bach, Beethoven, Schubert, Vivaldi, Debussy, Satie. J’aimais aussi le modern jazz et aujourd’hui j’apprécie tout particulièrement Hiromi Uehara, pianiste de jazz japonaise dont j’aime beaucoup les rythmes. »(in Orléans métropole).
Ce qui reste localement de cette sculpture monumentale aujourd’hui ? Dans le silence en fond de jardin, si son nom ne dit sans doute rien, elle dit ce à quoi le sculpteur nous invitait aussi. C’est à la présence de la nature, à la penser, à l’éprouver : « Ma matière première, celle à laquelle je reviens toujours, c’est le granit. Il symbolise la force, la vigueur de la nature, les montagnes de mon enfance, mes premières créations. Je trouve un granit formidable en Bretagne, que je commande les yeux fermés. C’est un matériau difficile à travailler, tout en contraste, aux aspects différents, qui, une fois maîtrisé, dompté, donne une satisfaction inégalable. »
Ce que fut cet homme dans sa vie a été d’être un grand artiste pour lesquels les Bombes d’Hirochima et Nagazaki n’étaient pas qu’un discours de tribune : « Le début de mon histoire est mon âme.(…) Je suis né après la guerre dans un pays secoué et tremblant, où la présence de la nature était très importante ». Tetsuo Harada s’en est allé à ce sombre moment de re-entredéchirement du monde. A l’ère nucléaire avec au bout la mort administrée. Humainement inhumaine, techniquement organisée. Ouvrant simultanément l’ère du désarroi universel.
Sans prendre le pas sur ce qu’elle dégage, le coeur serré, cette oeuvre de Lanhélin comme ses soeurs en granit dense continuera à endurer le jeu des contraires, a contrario de tout ce qui péri promptement. A contre-courant de cette ère, elle ne cessera d’émettre le signe d’une humaine aspiration universelle à tisser. Ce faisant, c’est bien de l’avenir, depuis l’avenir que parle cette sculpture, à contretemps, à contrechamp – voir Harada : Sculpter pour la Paix Bande-annonce VF « strong ici.
D.D