« Les rebelles magnifiques » – les premiers romantiques. N°1146
Écrit par admin sur 1 mai 2024
Fidèles lecteurs de cette Chronique au long cours, il est possible que vous ayez senti chez son auteur une forme de fébrilité non-affichée mais bien présente au sujet de l’appellation choisie par la communauté de communes du territoire dans lequel elle s’inscrit : ladite « Bretagne romantique « . Car ce nom, j’avoue le trimballer comme un sparadrap collé à ma semelle.
A savoir, qu’à cette appellation territoriale pour ensuite devenir un repère déterminant, ainsi scotchée à ce « continent englouti » – comme me l’avait évoqué l’écrivain-voyageur Michel Le Bris à propos de « l’illustre écrivain « – à lire ici-, il me peinait de lui en donner un sens, pour autant qu’une telle notion fasse sens.
Comme une voix venant du fond du monde sans fond, voyez ! Dénomination efficace mais interminablement problématique. Comment comprendre que ce territoire fût… « romantique » – lire ici ?
Dit autrement, la Chronique de ce jour me permet de régler des comptes avec moi-même, et grâce à laquelle j’en recueille par la mise au point qui suit, une singulière satisfaction.
Voilà autant de choses énoncées qu’il me faut vous dire : je viens d’entamer la lecture d’un livre d’enquête publié tout récemment de l’historienne allemande Andréa Wult, « Les rebelles magnifiques » – les premiers Romantiques et l’invention du Moi « . Dans lequel je trouve la justification intuitive jusqu’alors non-démontrée de la pertinence d’un choix apporté à une contrée qui, grâce à lui, est de nos jours bien identifiée.
Pour vous aiguiller, voici ci-dessous en lecture cet extrait qui définit au mieux la signification historique de ce terme « romantique « .
» On les dénomma les « jeunes romantiques ». En fait, ils furent les premiers à se servir du terme « romantique » dans leurs écrits, lançant le romantisme sur la scène internationale en donnant au mouvement non seulement un nom et un projet, mais aussi un cadre intellectuel. Mais qu’était-ce que le romantisme ? Aujourd’hui, le terme tend à évoquer des artistes, des poètes et des musiciens qui privilégient les émotions et aspirent à communier avec la nature. Les silhouettes solitaires dans des forêts nimbées de lumière lunaire ou au sommet de falaises déchiquetées au-dessus de mers de brume sont des images qu’on associe souvent au romantisme, ainsi que les poèmes sur les amants éplorés. Selon certains, les romantiques rejetèrent la raison et célébrèrent l’irrationnel ; d’autres soutiennent qu’ils récusèrent l’idée d’un savoir absolu. Cependant, lorsqu’on analyse les débuts du romantisme, on découvre un phénomène bien plus complexe, contradictoire et pluridimensionnel. Que des penseurs, des historiens et des universitaires aient échoué à se mettre d’accord sur une notion succincte du romantisme aurait plu aux membres du Cercle d’Iéna, qui tenaient au caractère indéfinissable du concept. Ils n’essayèrent jamais eux-mêmes d’établir un code de règles rigides – à dire vrai, c’était justement l’absence de règles qu’ils célébraient. Ce qui les intéressait, ce n’était pas la vérité absolue, mais le processus de l’entendement. Ils démantelèrent les frontières entre les disciplines, transcendant les divisions entre art et science, et contestèrent l’establishment « .
Aux origines de l’inspiration, … Iéna, à 250 km de Berlin. Entre 1795 et 1805. Où s’inventa, avec Goethe, Schiller, Novalis, Hegel, Ficht, Caroline Böhmer, etc., l’une des plus profondes révolutions culturelles de la modernité : « Ce qui s’est passé au cours de quelques années nous influence toujours. Nous pensons avec les esprits de ces penseurs révolutionnaires, nous voyons avec leur imagination et ressentons leurs émotions » écrit-elle.
Loin de la vision réactionnaire et conservatrice – celle des traditions nationales, de l’esprit d’un peuple et du mystère du divin, etc.- qu’on s’en est faite, le premier romantisme fut individualiste et révolutionnaire. Il s’inspirait des idéaux de la Révolution française, et mettait en avant l’égalité et la liberté. C’est ainsi que cette longue enquête d’historienne, écrite comme un roman, nous fait entendre une toute autre chanson, un son discordant dans le choeur des laudateurs des forces de l’ombre.
Me voilà ce jour libéré de ce sparadrap élimé. Maintenant qu’à mes questions, par « Les rebelles magnifiques » la réponse m’est explicitement apportée : les membres fondateurs du terme « romantique » tenaient : « au caractère indéfinissable du concept. »
D.D
Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de Michel Le Bris. Ainsi qu’autour de la parole d’habitants du territoire de la Bretagne romantique avec « Station sérail » et de Joëlle Zask.