Sceptique? N°418.
Écrit par D.D sur 18 mars 2010
On s’était dit ici au soir des régionales qu’il serait assez intéressant de parler d’elles. Taux d’abstention record, claque bruyante pour la clique sarkoziste, sursaut des partis de gauche gagneurs d’élections secondaires, la démocratie chrétienne qui bascule dans l’écologie, etc…Mais les bras m’en tombent. Il y a une telle absence d’imagination face à ce que nous avons reçu sur la tête ces derniers temps. En premier lieu sur ce que devrait-être l’exigence d’un peuple qui se qualifie « peuple souverain » (d’où la démocratie) vis-à-vis de cette délinquance organisée de la finance planétaire. D’une élection à l’autre les choses n’ont fait que s’alourdir. Alors s’il faut porter au pouvoir des partis à encéphalogramme plat, allons-y ! mais je crains qu’il y ait un décalage assourdissant. J’ai même l’impression que ces élections ont eu pour effet d’occulter l’essentiel.
Maintenant, que la préfète-gendarme qui se présentait dans la région recule autant sous la poussée de la société bretonne me convient pleinement. Et que son nabot de mentor s’en ramasse une branlée, ça me va bien. Mais bon, on est tout d’abord frappé par ce que révèle d’inquiétant ce scrutin: l’effondrement de la participation des 18/25 ans, un électeur sur huit en France.
Faut-il en déduire l’expression d’une génération extra-sceptique quant à la politique, ou bien faut-il se demander s’il n’est pas de plus en plus difficile d’écarter ce que mit Marx à jour. Ainsi Michael Hardt, un philosophe, écrit ceci : « Dans le contexte de la production industrielle, Marx est parvenu à la reconnaissance importante du fait que la production capitaliste a pour but de créer non seulement des objets mais aussi des sujets. «De cette façon la production ne produit pas seulement un objet pour son sujet mais aussi un sujet pour son objet.»
Et certains économistes contemporains analysent la transformation du capital dans des termes qui font écho à la formulation de Marx : «Si on devait toutefois risquer un pari sur le modèle émergent des prochaines décennies », affirme par exemple Robert Boyer, économiste: «c’est probablement à la production de l’homme par l’homme qu’il faudrait se référer ».
« L’évolution actuelle dans la production capitaliste tend vers un «modèle anthropogénétique». Les êtres vivants conçus comme du capital fixe sont au centre de cette transformation et la production des formes de vie devient la base de la valeur ajoutée. Il s’agit d’un processus dans lequel les facultés humaines, les compétences, les connaissances et les affects mis en œuvre – ceux acquis au travail mais surtout ceux qui sont accumulés en dehors du travail – produisent directement de la valeur. Une caractéristique distinctive du travail de la tête et du cœur est donc que, paradoxalement, l’objet de la production est en réalité un sujet, défini, par exemple par un rapport social ou une forme de vie.»
Faire de la politique au XXIe siècle? Un devoir de réinvention…quand tout rapport social ou forme de vie devient marchandise. En un mot, c’est l’imaginaire politique qui est à reconstruire. Pas facile.
D.D