Dodue. N°421.

Suite au décès d’Aimée, notre chèvre alpine de 16 ans, nous sommes partis à la recherche de sa remplaçante. Cela devenait urgent car il nous semblait à vue d’oeil que Jules (l’âne) déprimait. Alors donc, voici la belle adoptive: notre chèvre est jeune, nouvelle, svelte, souple, malicieuse, subtile, pleine d’initiative, intelligente, qui sait ce qu’elle veut, décidée, entreprenante, dégourdie, entêtée, vive, méfiante, gourmande, curieuse, alerte, vivace, active, gueularde, belle, délicate, etc…Et en plus, elle sait trouver les brèches.

C’est comme si elle les connaissaient d’instinct, les brèches! Je vous jure. Du coup je m’emploie depuis une semaine à tenter de la maintenir dans un périmètre délimité sans quoi les bourgeons y passeront.

Notre chèvre s’appelle Dodue! Bien qu’elle soit fine, son nom c’est Dodue. Ce qui annonce qu’elle a bon appétit et qu’elle sera bien en chair. Pour l’heure elle n’a pas d’embonpoint. Elle a été baptisée ainsi là où elle est née du côté de Lassy près de Baulon, route de Guer. Sud Ille et Vilaine. Pays des Vallons de Vilaine. Sa race est celle dite « Chèvre des fossés », dite aussi « Chèvre des talus » jadis très commune en Bretagne. De nos jours la race est en voie de disparition. D’ailleurs dans l’entourage du l’écomusée de Rennes une association de sauvegarde a été montée pour contrecarrer sa diminution.

Blanche à poils longs et barbichettes, je vous en dresse le portrait rapide de ma Dodue. Appartenant à une race rustique à toison « laineuse » à poils longs. Chèvre vivrière, symbole de la subsistance familiale dans les milieux les plus modestes, cette chèvre était la « vache du pauvre », fournissant lait, viande, peau et parfois travail aux ruraux sans terres et aux déshérités. Plan de sauvegarde en cours. Effectif très faible (600 individus, pas plus). Elle est connue aussi pour son lait à fromage. Un lait gras.

C’est d’ailleurs auprès d’un jeune couple de paysans fromagers que nous l’avons acquise, mais Dodue ne donnant pas assez de lait, ses éléveurs cherchaient par conséquent à s’en débarrasser. Peut-être est-ce pour la même raison que la chèvre de Monsieur Seguin, l’herbe du clos lui parut fade, elle maigrit, son lait se fit rare. Permettez de rappeler l’histoire destinée à mettre en garde les enfants contre les dangers de la vie:

« M. Seguin s’apercevait bien que sa chèvre avait quelque chose, mais il ne savait pas ce que c’était…

Un matin, comme il achevait de la traire, elle se retourna et lui dit dans son patois: «Écoutez, monsieur Seguin, je me languis chez vous, laissez-moi aller dans la montagne.

– Ah! mon Dieu! Blanquette, tu veux me quitter!

– Oui, monsieur Seguin.

– Tu es peut-être attachée de trop court, veux-tu que j’allonge la corde?

– Ce n’est pas la peine, monsieur Seguin.

– Alors, qu’est-ce qu’il te faut? Qu’est-ce que tu veux?

– Je veux aller dans la montagne, monsieur Seguin.

– Mais, malheureuse, tu ne sais pas qu’il y a le loup dans la montagne…

Que feras-tu quand il viendra?

– Je lui donnerai des coups de cornes, monsieur Seguin. » (suite)

Depuis son arrivée, ma « Chèvre débroussailleuse » cherche à broutter. Normal, l’herbe nouvelle de printemps donne sacrément envie. D’autant quand elle pousse au-delà de la clôture du pré. Dodue sera cet animal docile et familier qui fera chez moi office de tondeuse-débroussailleuse. Dit autrement , façon « développement durable » elle assurera l’entretien d’écosystèmes protégés, où son aptitude à valoriser les ligneux permettra de limiter efficacement le développement des broussailles.

Allez imaginer une tondeuse-débroussailleuse avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier, ses sabots noirs et luisants, ses cornes zébrées et ses longs poils blancs, étonnant non?.

D.D