Combines. N°6.
Écrit par D.D sur 25 décembre 2009
Par ces temps de fêtes qui nous préparent à basculer dans la nouvelle année, on repense à 2009 qui se termine et qui nous a réservée tant de surprises dont, pour nombre d’entre elles, nous nous serions passés volontiers. On se remémore cette année où tant de choses insoupçonnées sont apparues en pleine lumière. Les informations* qui nous sont parvenues ont souvent dépassées la fiction. Chacune venant se joindre à une liste que l’on n’aurait jamais imaginée il y a encore peu, et qui laisse toujours plus songeurs sur la suite des évènements. Drôle de visage donc que celui du capitalisme aujourd’hui. Depuis la faillite en cours des états de Californie ou de New York, entre autres, jusqu’à la découverte de l’ampleur des « actifs toxiques » qui se cachent au cœur des banques, de la déroute économique de ce désert devenu paradis pour riches qu’est Dubaï aux sommes astronomiques débloquées par les Etats pour sauver un système financier pourtant dévastateur, et cela sans contreparties réelles, il faut bien le dire, l’année que nous venons de vivre a été pleine de rebondissements…
Seulement voilà, les déboires de la finance et des banques ne sont pas ceux d’une fiction mais ceux de ce monde-ci. Et les conséquences de cette crise se font sentir tous les jours de façon plus vive. Il y a toutes ces images de maisons, aux Etats-Unis, achetées à crédit et saisies, ces chiffres du chômage impersonnels mais derrière lesquels se trouvent tant personnes à l’avenir incertain, ou encore ces signaux d’alarme donnés par les associations d’entraide au sujet des difficultés de nombreuses familles pour trouver un toit ou même de la nourriture, ect…Et là, on ne pense encore qu’aux habitants des pays riches. Il faut se souvenir des émeutes de la faim dans les pays du sud. Parce que dans cette crise, ce sont les plus pauvres, ceux qui connaissent le dénuement qui trinquent les premiers. La crise économique fait ses ravages donc. Et contrairement aux messages que l’on a pu entendre dernièrement concernant l’imminence de « La » reprise, qui n’était en fait que la reprise de la spéculation financière et de la formation de nouvelles bulles, nous n’en sommes bien malheureusement qu’aux premiers chapitres…
Face à cela, les dirigeants politiques ont cherché à sauver le système en tant que tel. Des sommes pharaoniques ont ainsi été reversées aux banques en péril pour le maintenir en l’état. Le consensus des dirigeants de ce monde sur la sauvegarde du système bancaire, comparé aux non-accords de Copenhague concernant le réchauffement climatique nous montre bien où se trouvent leurs priorités : avant tout préserver le pouvoir des banques et de la finance ! Malgré tout, ces soins, portés en urgence, n’auront d’effets que temporaires car ils ne consistent que dans le traitement des symptômes, et non pas des causes. Et bientôt ces symptômes ne manqueront pas de réapparaître. Les défaillances de Dubaï, de l’Islande en sont des exemples. Et les exemples se multiplieront ( Grèce ? USA ? Royaume-Uni ? …). Parce que des montagnes de dettes « pourries » se cachent à nouveau dans les coffres-forts, le doute est donc de mise …
Pourquoi ? Avançons simplement l’idée que cette crise est le fruit d’un processus inscrit dans la nature même du capitalisme, celui d’une concentration des richesses dans les mains d’une infime partie de la population d’un côté et de l’autre, d’un appauvrissement généralisé de la majorité. Ce qui a été mis sous le tapis, c’est cette réalité là. Dans les pays riches, les effets de cet appauvrissement ont longtemps été masqués par le crédit et l’endettement. Mais cela ne pouvait durer, et ce n’est pas un hasard si la crise actuelle s’est initiée au niveau des crédits hypothécaires américains. Le système capitaliste se fait donc secouer en ce moment mais tout est entrepris pour protéger ce qui en fait son essence, à savoir la finance, quitte à sacrifier le reste. Dans les pays riches, par exemple, les politiques actuelles des Etats préfèreront sacrifier l’éducation ou la santé de leur population plutôt que de remettre en question le pouvoir de la finance, cœur du capitalisme. Les politiques néolibérales, qui donnent le ton à toutes les mesures importantes prises par les Etats depuis trente ans, et qui nous ont menées à cette situation, sont celles qui sont préconisées pour résoudre cette crise. Les politiques sont les mêmes, toujours en faveur des intérêts de la finance, nulle remise en question, quand bien même celles-ci ne font que creuser les problèmes.
Face à cela, il est évident que les solutions ne courent pas les rues, que les voies différentes du communisme ou du socialisme réformiste empruntées jusqu’ici pour sortir du système capitaliste, pour combattre ses effets dévastateurs, n’ont pas abouti et ont tourné pour certaines de façon tragique. D’autre part il ne faut pas non plus compter sur un effondrement du système de lui-même qui signifierait la naissance d’une société réellement démocratique et égalitaire. Comme le disent P. Dardot et C. Laval dans « La Nouvelle raison du monde » : « la croyance selon laquelle la crise financière sonne d’elle-même la fin du capitalisme néolibéral est la pire des croyances ». Ce qui est plus probable, en fait, c’est que nous entrions « certainement dans une nouvelle phase du néolibéralisme » qui, potentiellement, pourrait révéler la nature profonde du projet néolibéral, celui d’être antidémocratique**. Face à tout cela, il y a beaucoup d’expectatives, beaucoup d’interrogations, beaucoup d’abattements aussi. Avec comme question non pas de « savoir comment imposer au capital un retour au compromis [fordiste et keynésien] d’avant le néolibéralisme » mais celle de savoir « comment sortir de la rationalité néolibérale ? » Devant les nouvelles qui nous arrivent chaque jour plus surréalistes les unes que les autres, les « combines » pour cette sortie de la rationalité néolibérale, et vers une société réellement démocratique, ne sont pas données mais bien à inventer…
* voir les analyses remarquablement lucides publiées sur le blog de P. Jorion
** « La Nouvelle raison du monde » P. Dardot et C.Laval. La Découverte
M.D
« Combine »…à retardement
Je vais déplaire, je préviens !
Déjà l’autre jour quand M concluait : « …pour cette sortie de la rationalité néolibérale, et vers une société réellement démocratique, ne sont pas données mais bien à inventer… » j’ai tiqué.
Ce soir, D écrit : « Mais ce n’est pas le problème, de nouvelles formes sont à inventer. »
Inventer, ré-inventer…Il ne faudrait pas que ça redevienne un slogan…
Celui-là même que nous (je me glorifie du « nous » car j’avais 18 ans à l’époque et j’étais dans la rue, voire, si vous voulez tout savoir à la rue) gueulions avec force en 68, car tout, oui, devait être réinventé. Nous avions même une autre ambition, c’était de réinventer l’amour ! Quelle folie n’est-ce-pas ?
…Franco était à quelques encablures de nos cités, et Salazar, pas loin non plus.
« Et nous voilà… ce soir …» comme dit la chanson…
Françoise.
31/12/2009-00:48