Septique. N°448.
Écrit par D.D sur 21 octobre 2010
J’imagine bien que cela ne se dit pas, j’imagine que ça se cache. Quand je dis « j’imagine » c’est par euphémisme. Eh bien je vous en parle quand même. J’ai eu dernièrement à être confronté à un problème d’assainissement individuel. Traduire: de fosse septique toutes eaux! En un mot: bouchée! Bah, la réponse habituelle serait d’appeler sans tarder l’homme de métier qui vous démerdera en un moins de deux en toute discrétion, et qui fera son boulot comme si vous n’y étiez pour rien dans cette affaire qui sent mauvais. Eh bien ressentant une obligation envers moi-même je me suis dit qu’il me fallait me débrouiller tout seul. Ethiquement parlant, il est inutile de se voiler la face en dissimulant autant que possible les entrailles de la machine malodorante. Je m’y suis donc colleté à ce qui ne se réduit pas à un simple débouchage d’évier.
Difficulté à émettre un diagnostic immédiat. Examen préalable de l’engin septique en souffrance. Découverte du fonctionnement de la machine pour identifier ses premiers signes d’usure. J’ai donc recherché l’endroit où ça ne passait pas. J’ai ouvert la fosse, creusé ici et là pour retrouver les différents éléments qui composent le dispositif en question. J’ai retrouvé sous terre le tuyau, cerné l’endroit où résidait le problème, trouvé la tête de la fosse puis scié le tuyau PVC qui s’y accorde, et m’y suis mis à genoux le nez dans les entrailles qui refoulent, mais on s’habitue une fois absorbé par sa tâche. Pour défaire ce qui obstruait l’écoulement des matières lisses et compressibles. Cela après avoir constaté que le dispositif en lui-même fonctionnait correctement, ce qu’en général nul bureau de contrôle en assainissement individuel n’aurait fait. Puis j’ai rabouté, placé joint et collier, ré-enterré l’ensemble et le tour est joué. Résidant en bordure de lotissement mon exigence dans cette intervention est allée jusqu’à prendre en compte le sens du vent afin que l’odeur des effluves puissent prendre la direction des grands espaces libres de toute habitation.
Eh bien je vous l’avoue: j’exprime ma satisfaction car j’y ai acquis un savoir-faire pratique qui ne pourra jamais être télécharger sur internet. Oui, ça m’a fait plaisir sur ce chantier de réussir mon coup en solo sans appui technique (foret relié à un Karsher par exemple). Bien sûr pareille manipulation met la tête à sa place, et vu sous cet angle l’humanité entière aussi.
Mais je doute fort que ce témoignage soit exceptionnel. Si je raconte ici ma propre histoire, ce n’est pas parce que je crois qu’elle sort de l’ordinaire, mais au contraire parce que je pense qu’elle est assez banale. Autrefois vidanger les cabinets était une tâche directement utile. Une corvée oui, mais une corvée banale. Et même que ça aidait le potager à la production de bien meilleurs légumes. Ceci-dit en terme de représentation, cette digression sur cette question -mais depuis l’apparition desdites « toilettes sèches » ça n’épouvante plus personne- m’apparaît bien naturelle pour atteindre une sagesse pratique.
D.D
Chronique:
Septique, rien à voir donc avec sceptique ? T’es sûr ?
Car le scepticisme (du grec skeptikos, « qui examine ») est, au sens strict, une doctrine selon laquelle la pensée humaine ne peut se déterminer sur la possibilité de la découverte d’une vérité. Il ne s’agit pas de rejeter la recherche, mais au contraire de ne jamais l’interrompre en prétendant être parvenu à une vérité absolue. Son principal objectif n’est pas de nous faire éviter l’erreur, mais de nous faire parvenir à la quiétude loin des conflits de dogmes et de la douleur que l’on peut ressentir lorsqu’on découvre de l’incohérence dans ses certitudes.
Sextus Empiricus écrivait dans les Esquisses pyrrhoniennes : « Le scepticisme est la faculté de mettre face à face les choses qui apparaissent (tuyaux en PVC, merde conglomérée, colliers disjoints etc…) aussi bien que celles qui sont pensées, de quelque manière que ce soit, capacité par laquelle, du fait de la force égale qu’il y a dans les objets et les raisonnements opposés, nous arriverons d’abord à la suspension de l’assentiment, et après cela à la tranquillité »
Il paraît que l’on trouve très tôt des formules sceptiques dans la culture grecque comme par exemple : « La vérité est au fond du puits. » de Démocrite. Donc, pourquoi pas au fond d’une fosse septique ?
Je ne résiste pas au plaisir de citer Hume , dont l’odorat, j’imagine, malgré les vents contraires, aurait pu t’aider dans tes prospections : « nous n’avons aucune preuve que la représentation du monde que nous fournissent les données des sens constitue une connaissance fiable de ce monde, notre connaissance s’arrêtant aux données des sens. »
Enfin après ce docte discours permets-moi de te contrer sur ce point : « Autrefois vidanger les cabinets était une tâche directement utile. Une corvée oui, mais une corvée banale. »
J’ai des souvenirs de journées de vidanges de chiottes qui se terminaient par des cuites mémorables de tous les hommes valides du hameau. « Fallait chasser les miasmes » s’excusaient-ils auprès de leurs bourgeoises qui les accueillaient avec des yeux furibards tout en se bouchant le nez.
Françoise.
21/10/2010 17:48