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Boîte noire.N°464.

Écrit par sur 10 février 2011

Après dix ans de procédure, des centaines de dons, plus de 100 000 euros de frais de justice, Denis Robert a définitivement gagné contre Clearstream ! Voici une très bonne nouvelle pour la liberté d’expression en France. La lutte était inégale, car il était « seul ».

En cause : un documentaire, les Dissimulateurs, diffusé sur Canal Plus en mars 2001 ainsi que deux ouvrages, Révélations et la Boîte noire. Trois enquêtes sur ce qui n’était à l’époque qu’une obscure chambre de compensation luxembourgeoise et qui se révélera être, grâce aux investigations de Denis Robert « la meilleure lessiveuse du monde ». Soit une machine à blanchir l’argent sale provenant de banques et de réseaux mafieux russes, et disposant de comptes « cachés », « officieux », de clients, privant ainsi Interpol de toute possibilité d’enquête. Mais aussi un organisme qui aurait participé au détournement des aides du Fonds monétaire international.

Le journaliste Denis Robert montrait preuves à l’appui, la toxicité des paradis fiscaux, les circuits occultes des grandes banques, et tout cela bien avant la crise financière… »Pour donner un exemple lorrain, dans le livre Portrait de groupe avant démolition, je montrais qu’un trader à Zurich pouvait tuer un sdf à Metz, au cœur d’une grande chaîne d’irresponsabilité. Dès 2001, je montrais que toutes les grosses banques françaises, BNP-Paribas, Société Générale, Banque Populaire avaient des comptes à Jersey, aux îles Caïman… et je pouvais le prouver. »

Denis Robert annonce que « c’est une décision qui va faire jurisprudence car la Cour a reconnu qu’un journaliste pouvait commettre de petites erreurs s’il est comme moi de bonne foi et s’il couvre un sujet d’intérêt général en menant un travail difficile dans le milieu opaque de la finance. » La Cour de cassation a notamment appuyé sa décision sur l´article 10 de la Convention européenne des droits de l´Homme (CEDH) sur la «liberté d´expression», qui comprend «la liberté de recevoir ou communiquer des informations». Elle «autorise» ainsi les propos tenus par le journaliste dans ses ouvrages et son documentaire.

« Je savais ce que j’avais vu et fait. J’avais intégré les enjeux de cette bataille. Un système financier sain au départ a été dévoyé, ouvrant d’incroyables possibilités de dissimulation. Mon enquête était, est, restera fondée. Mes écrits reposent sur des documents, des courriers, des listings, des microfiches, des témoignages filmés. Des éléments suffisamment probants qui ont permis de mettre à jour des comptes non publiés produisant de l’opacité, un système d’effacement de traces de transactions, la probabilité très forte d’une double comptabilité, des liens présumés entre Clearstream et l’Eglise de scientologie, l’hébergement de banques mafieuses, l’utilisation de Clearstream pour la mise en œuvre d’opérations occultes, l’absence totale de transparence et de contrôle, la complicité des auditeurs, le licenciement du personnel qui refusait de procéder à des manipulations comptables et de publier des bilans de fait maquillés… Mon enquête et la simple lecture de mes documents montraient, montrent que cette firme abritait plus de 6 000 comptes ouverts dans des paradis fiscaux. Parmi ces comptes, des sociétés off shore, mais aussi des filiales de banques respectables. J’ai révélé que des multinationales pétrolières, agroalimentaires ou industrielles avaient également ouvert des comptes discrets à Clearstream. J’en passe et des dizaines. » (Extrait du texte que le journaliste adresse à ses amis à l’issue du verdict).

Un grand salut au courage de ce journaliste d’investigation messin pas dans le moule des écoles de journalisme (mais avec la même la pugnacité qu’Irène Frachon pour le Médiator), franc-tireur qui ne « roule » pour personne…pour ses enquêtes sur l’argent sale et la «dérive du système financier international». Qu’il reçoive toutes nos félicitations pour avoir osé le « pot de terre » contre « le pot de fer »! Quant à la presse instituée dont le rôle est justement de mener des enquêtes délicates, elle s’était mise non pas à le soutenir mais à le dénigrer, voire à le salir.

D.D


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