« La 696 ème chronique. » N°696
Écrit par D.D sur 14 août 2015
« Ah ! mais pour de bon où est passée la 696 ème chronique ? » me dit-on. J’atteste, elle est passée à la trappe. Nicht Berlin ! Pour de bon. Et c’est bien dommage. Parue d’abord sous le titre « Berlin, re-visitée », elle ré-apparaît sous un autre. L’expérience est unique.
Du coup, si l’été n’a pas tout à fait dit son dernier mot, les prémices de la rentrée (la dernière) se glissent ainsi dans mon univers : apparemment ça risque d’être difficile ! Bon, pour autant la chronique hebdomadaire ne sera pas exceptionnellement fermée ce 15 août.
Car il me vient à l’idée de re-citer mes propres mots -ce qui cette fois ne présentera aucune difficulté- tirés d’une chronique datée du 14 août 2003. Voici donc un extrait.
Qui bien qu’ancien présente pas mal de similitudes avec ce que j’aurai pu écrire ici-même avant-hier à l’occasion du cadeau que m’a offert Françoise (les photos ci-contre sont les siennes) de Lieux-dits -à qui je renouvelle mes sincères remerciements-: un album ayant pour titre Rebeyrolle vivant!. Suite à sa présence cet été à Eymoutiers dans le Limousin, pour le 20ème anniversaire de l’Espace Paul Rebeyrolle.
« Talus hirsutes.
Nous étions partis pour « un autre monde ». Sa clé d’accès: Larzac 2003. Mais par un chemin quasi-poétique, qui découle d’une erreur de guidage, nous sommes passés, tels des insectes curieux, par des paysages de grands arbres, bien feuillus, des paysages de coteaux, de bocage serré avec des talus hirsutes, d’anciens maquis réfractaires. Avec de nombreuses stèles fleuries et ornées du drapeau national. L’esprit de ce Limousin est celui de la Résistance.
Ces maquis de Haute-Vienne n’ont pas jeté leurs armes. Ce qui est donné à voir à Eymoutiers, petite localité apaisante, nous donne du courage. Ici, cela se sent, mieux cela se pressent, l’esprit des anciens réfractaires veut que leurs fils continuent le combat. Y a du franc-tireur dans cet Espace Paul Rebeyrolle d’Eymoutiers.
Ce Limousin est le pays de l’arbre aux racines profondes, qui se tient debout haut, et qui regarde devant lui, droit dans les yeux… Nous le traversions pour nous rendre ainsi vers le Larzac cuvée 2003, avec ses bouchons. Autrement dit vers le désert. C’est à dire, la base. Le désert c’est la base des législations, Moïse, les religions, etc… Une éthique du comportement de l’Homme donné par le désert fondateur (poésie arabe…). Mais d’abord, visite de l’Espace Paul Rebeyrolle d’Eymoutiers, un architecture à la peau de mélèze.
S’y tiennent deux expositions: l’une composée des tableaux de Paul Rebeyrolle; l’autre de ceux de Jacques Monory qui peint tout en bleu des images de films américains. Avec Rebeyrolle, domestiquer la nature, c’est non . C’est catégoriquement non. Mais plutôt, créer d’autres rapports. Des rapports d’harmonie, alors ses tableaux grands comme des bâtisses, évoquent la bonhommie. La bonhommie monumentale du bonhomme. D’autres, plus experts, diront de Rebeyrolle autre chose…Pour nous, ce que nous offre à voir ce peintre, c’est un rapport d’harmonie avec l’homme. En naturaliste, Rebeyrolle est un écologiste de l’humain. Et pour peindre ses images, comme on prend la parole en main ( la main est un organe de l’intelligence ), comme on prend un coup de rouge, il les fait pousser comme les poings, et comme les ailes. Son objectif ? Faire dire les éléments, ciel, eau, et aussi métaux, plastiques, mousses et écorces, pour donner la possibilité d’atteindre la position verticale: debout ! . Mais un debout terrien. Pas le debout de la théorie, si vous me suivez…
« Il se peut que la mission essentielle de l’art est de faire prendre conscience aux hommes de la valeur qu’ils ignorent en eux » aurait dit Malraux. Eymoutiers, haut lieu de la Résistance au fascisme, est devenu aussi haut lieu de la parole vue . De la parole à prendre, et la peinture et les sculptures de Rebeyrolle, l’un des peintres majeurs de notre époque, l’expriment tout fort, dans ce pays où en ce mois d’août caniculaire, « les chênes ont déjà mis leurs feuilles d’hiver », comme il se dit ici si j’en crois la patronne du Huit-à-huit.
La parole de Rebeyrolle est réfractaire. Et elle est fraternelle. Son vocabulaire joue avec les matières, les épaisseurs, les tissus, les aciers rouillés, la nature et les déchets de la société qui l’accompagne, pour pointer les rapports de force de celle-ci, la loi du plus fort. Sa croyance semble illimitée dans l’Homme, quand la vitesse de la soumission va à une vitesse incroyable. Suivre le mouvement de la nature, nous proposerait-il ainsi, donc un rapport d’harmonie face aux rapports de force. Chose sûre, sa peinture nous va droit dans les yeux, comme chez les grands arbres protecteurs.
Si cette parole vivifiante n’est pas aussi facilement discernable au premier abord, l’est sa volonté de faire coïter la chaleur vibrante des matières somptueuses et pourtant si familières que celles qui gisent à même le sol, à même la terre-mère, sur les bords de chaussée, et autres friches, dans ces lieux non-dits où s’entremêlent les traces concrètes créées par l’animal humain et le végétal gagnant .
Les toiles de Rebeyrolle, ce natif du Limousin, reflètent la terre de sa région, la rudesse des paysans, l’amour et la mort. Son oeil se pose sur un humanisme social. Jean-Paul Sartre dira que ses toiles sont « en colère ». »
D.D
Françoise Sur 15 août 2015 à 11 h 46 min
A la bonne heure!
Sauf que… sauf que…
« « les chênes ont déjà mis leurs feuilles d’hiver », comme il se dit ici si j’en crois la patronne du Huit-à-huit » est-il écrit dans la chronique daoût 2003…
Sauf qu’en août 2015, grand nombre de ces chênes (et chataîgniers) sont morts, restant debouts il est vrai, branches blanchies,à vif, tendues vers le ciel…
« D’une vaste prison imite les barreaux,
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux »…
Il n’y a plus de huit à huit non plus dans les villages traversés.
Et Rebeyrolle est mort.
Mais oui, tes propos. Intacts.