700ème ! N°700
Écrit par D.D sur 9 septembre 2015
Pour cette 700ème je m’accorde le droit de me dévoiler. Un peu.
Premier volet:
Par la grâce d’un trésor dissimulé. Je possède un tableau du peintre Paul Rebeyrolle intitulé « Suzanne au bain ». Euh, plus précisément j’en possède une reproduction.
Bon, sous verre et encadrée quand même ! Cela fait quelques années que je la possède sans jamais avoir été plus loin pour connaître la signification de cette représentation à trois personnages. Restée en plan, posée à même le parquet, au fond de la pièce au pied du piano. Mais, je viens d’en trouver le titre sur internet après être tombé sur le tableau.
« Suzanne au bain », pourquoi un tel titre ? Une facile recherche sur google m’apprend que ça renvoie au Livre de Daniel, qui fut considéré comme prophète pour avoir prédit la venue de Moïse. En voici l’histoire.
Je lis aussi que « Suzanne et les vieillards « constitue un récit biblique phare dans l’univers de la peinture. Il permettrait, à nous contemporains, de comprendre que les tensions existantes entre les générations, entre la jeunesse et la vieillesse, traversent l’histoire. » Me voici donc passé d’une création artistique à une découverte éducative.
Car au sein du récit « Suzanne et les vieillards », ce n’est pas seulement l’histoire de vieux libidineux accusant à tort Suzanne après avoir essayer de la sauter, mais plutôt une remise en question de la place politique et religieuse accordée à la vieillesse.
Donc, il ouvre la voie à des questionnements philosophiques : ce n’est plus le nombre d’années qui compte pour acquérir une sagesse, mais bien désormais l’action de l’individu. Par le fait même, le vieillissement n’est plus associé nécessairement à la vertu : « Je suis un jeune moi, et vous des vieux. Aussi craignais-je et redoutais-je de vous exposer mon savoir. Je me disais : “L’âge parlera, le nombre des années enseignera la sagesse.” Mais en réalité, dans l’homme, c’est le souffle, l’inspiration du puissant qui rend intelligent. Être un ancien ne rend pas sage, et les vieillards ne discernent pas le droit » (Livre de Jacob)
Du coup, il me revient en mémoire cette anecdote : quand Paul Rebeyrolle apporta sa dédicace sur un de ses catalogues que Françoise de Lieux-dits allait m’offrir, écrivant mon prénom il dit « Ah ! il manque un l », et s’employa à le rajouter. Qu’il me soit permis d’imaginer que la cause de son inattention serait plutôt à rechercher du côté de cette histoire de « Suzanne au bain » dont il en tira une toile. Subitement, sous l’effet de l’étonnement un doute lui traversa l’esprit. Mais il eut l’élégance de ne pas lui poser la question.
Car, quoique prénommé Daniel et partageant avec Rebeyrolle entre autres la même aversion pour la convoitise et la calomnie (ainsi que, par ailleurs, pour tout moralisme à la noix d’origine religieuse), je penche question âge, 700 chroniques après leur démarrage et 34 ans après celui de notre projet de radio, irrésistiblement à mon tour du côté de ces vieux fieffés menteurs mis à mal par ce jeune et talentueux défenseur de la juste cause. Aïe !
Second volet:
Témoin actif, compagnon subtil à belle allure, complice au bon cœur et peut être bien inspirateur qui sait de ces 700 chroniques au poil près (il m’écoute et me scrute à 5 mètres à peine derrière la haie de cotonastere), mon âne Jules. Pour lequel je partage une nouvelle fois avec notre amie Françoise ce très beau portrait d’âne qu’elle vient de m’adresser en partage. Ravie de me taquiner joyeusement à l’occasion « Le plus terrible c’est que je te reconnais un peu dedans ! Plus je relie, plus je te vois ! ». Rires.
Texte de Gilles Lapouge : « Ce qui me plaît, dans l’âne, c’est qu’il possède deux vertus contraires, une docilité infinie et une volonté de fer. C’est la marque d’une nature à mystère. Il est tout ensemble espiègle, intelligent, très intelligent, tricheur, loyal, tendre et dévoué, méfiant, orgueilleux, héroïque, capricieux, méprisant et modeste. Intraitable et résigné à la fois. Il est gris et désinvolte. Autant le cheval est snob, autant l’âne est simple. Ce n’est pas lui qui irait se dandiner le dimanche sur des champs de courses, avec des jockeys bariolés et des chapeaux de dames infinis. A Verdun, au chemin des Dames, il a été tué par milliers. Il fut le compagnon de toutes les civilisations et leur ouvrier, il a construit les pyramides et Notre-Dame de Paris, des forteresses, des lieux de prière et des ports. Il a semé du blé, cherché de l’eau au fond de la terre. Il se laisse tirer la queue par les pimbêches de la comtesse de Ségur.
C’est un ange. Il a un caractère de cochon…
L’âne est tenté par l’anarchie. Une anarchie douce, moelleuse, espiègle. Ce n’est pas un révolté, oh non ! Il compose avec le mal (la servitude, les coups, la fatigue et le non-sens) et fait mine d’obéir à ses maîtres quand en vérité il n’en fait qu’à sa tête d’âne. C’est un indigné et c’est un révolté mais sa révolte est solitaire. Il déteste toutes les idéologies. Il n’a jamais eu l’envie d’adhérer aux programmes des révolutionnaires. Même la réforme, il la dédaigne. »
Eh bien, voici-voilà en partie dévoilé pour la 700ème, celui qui se cache derrière tout ça !
D.D
Françoise Sur 9 septembre 2015 à 18 h 16 min
« …écrivant mon prénom il dit « Ah ! il manque un l », » dis-tu…
Paul Rebeyrolle a prononcé exactement ces mots: « Ah ! (jusque là tu as tout bon!) j’ai oublié son l » et moi j’ai entendu, bien sûr, « j’ai oublié son aile »…