« Univers îles ». N°562
Écrit par D.D sur 9 janvier 2013
Une question: qu’est-ce qu’habiter? Imaginons qu’une nuée d’oiseaux espiègles qui viennent de loin, nous soumette cette réponse: « Alors à la question posée, voici notre réponse: vous les hommes vous habitez de deux façons à la fois, mais dans l’indifférence! Demandez à la chauve-souris, elle vous le dira! « . Admettons que chez ces oiseaux qui connaissent la mer, comme le ciel, comme les arbres, comme les hommes, il est rare qu’ils fassent fausse-route. Ou se trompent de porte.
Donc, selon les conseils avisés, examinons la première façon d’habiter. D’abord, comme les oiseaux appréhendons notre contexte spatio-temporel:
-Un point situé à la surface de la terre tourne à 1500 Kms/h (la terre tourne sur elle-même);
-La terre tout en tournant sur elle-même à 1500 Kms/h, tourne autour du soleil à la vitesse de 100 000 Kms/h. On mettra 365 jours à en faire le tour;
-Mais le soleil entraînant ses petites planètes, dont la Terre, tourne à 800 000 Kms/h autour d’un trou noir (dont la masse est évaluée à 4 millions de fois celle du soleil). Il met ainsi 226 millions d’années à faire le tour de notre galaxie (Voie lactée);
-notre galaxie mesure 100 000 années-lumière de diamètre. (Une année lumière correspondant 1000 milliards de Kms);
-Enfin, penser que « notre » univers a (à quelques broutilles près) 14 milliards d’années, qu’il est en expansion depuis 7 milliards d’années et que notre petite Terre n’a que 3,5 à 4 milliards d’années…
Déconcertant. L’incroyable univers habituel qui est le nôtre. Diraient-ils ces oiseaux sans artifice. Vérification faite ces chiffres sont les bons. Voici qui étonne. Quand on le sait. Qui pourrait ainsi être la première forme d’habiter: savoir qu’on se déplace à fond la gomme. Sans que les digues ne sautent, les unes après les autres. Sans quitter les pieds du sol. Sans que ça décoiffe. Pas d’effet soufflerie. Sans avoir à se justifier d’un quelconque effort. Décomplexés: « Alors, ça va? – Pas de problème, ça tourne! ».
Au cours de ce qui pour eux est une halte, je les entends rire ces oiseaux et nous glisser sans arrogance à l’oreille: vous vivez dans un monde étonnant du premier cri au dernier souffle. Etes-vous aveuglément sourds à tout ce qui nous entoure? Tout juste capables d’habiter dans la méconnaissance générale, préférant se priver d’une source de satisfaction sensorielle indispensable à votre équilibre, nécessaire à la constitution de la mémoire, à la formation de l’esprit, à l’enrichissement de votre imaginaire, à votre vie en société. Contrairement à ce qu’indiquent et peuvent encore vous faire connaître toutes les civilisations anciennes. Vous faîtes comme si vous apparteniez à un autre monde que le nôtre. Et pourtant pour vous tout ça n’est jamais absolument inconnu.
Bon, passons à la seconde façon d’habiter. Nous dirait-elle cette nuée du grand large. Mais les papillons nous en parleraient de la même manière. D’un plus mauvais oeil. Observant qu’on se sent un peu à l’étroit. Dans notre peau. Drôles de nez, de démarches, de tics, d’habitudes. Jusqu’au bout des doigts, ils remarquent tout. Alors qu’on les réduit à l’état de zéro.
Rappel de la question: qu’est-ce qu’habiter? La réponse nous vient du philosophe Jean-Toussaint Desanti: se dire qu’on n’habite pas nécessairement le lieu où l’on est : un prisonnier vit en prison mais n’habite pas la prison ; un animal occupe mais n’habite pas son territoire. Habiter, c’est autre chose ; c’est ouvrir sans cesse, à partir du lieu où l’on est, des horizons qui font que ce lieu, et tous les autres, prennent plus de sens. Habiter une langue, ce n’est pas seulement en connaître le lexique et la syntaxe, c’est la pratiquer, la travailler, lui faire dire tout ce qu’elle peut exprimer.
Beau programme, pas le temps de s’ennuyer! Me reste à remercier ces espèces qui pressentent les tremblements de terre. Entre autres. Allez! Bonne année 2013!
Précision utile enfin. Pourquoi donc cette chronique est-elle intitulée de ce joli nom: « Univers îles »? En 1755, c’est ainsi que le philosophe visionnaire allemand, Emmanuel Kant, nomme nos actuelles galaxies. Il rompt avec la pensée d’un univers limité à notre seule Voie lactée. Le cosmos devient dès lors un espace océan…
D.D
françoise Sur 11 janvier 2013 à 19 h 42 min
Et ton microbiote ?
Tu y as pensé à ton microbiote ? il est constitué d’un nombre gigantesque de bactéries et de champignons qui habitent en toi !
En fait, tu loges gratis 500 à 100 000 espèces de bactéries différentes…
Dans ton corps et à sa surface pullulent plus d’un million de milliards de micro-organismes soit dix à cent fois plus nombreux que tes pauvres petites cellules humaines.
Il faut donc te considérer à toi tout seul, comme un univers-île pour toutes ces mini bestioles, comme un véritable écosystème, très… habité et…lancé à 800000 km/h dans la galaxie…oui !
françoise Sur 12 janvier 2013 à 10 h 45 min
« Un milieu entre rien et tout »…en fait, je cherchais la vraie phrase de Blaise Pascal,dans les Pensées, comme nième façon d’habiter, la voici:
« (…) qu’est-ce que l’homme dans la nature? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout. Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d’où il est tiré, et l’infini où il est englouti. Que fera-t-il donc, sinon d’apercevoir (quelque) apparence du milieu des choses, dans un désespoir éternel de connaître ni leur principe ni leur fin? »