« Crédit à mort » N°491
Écrit par D.D sur 17 août 2011
A la fin août de chaque année, la librairie Planète IO invite un auteur particulièrement en pointe pour penser l’actuel. C’est habituel, au retour des vacances, cette librairie rennaise propose de reprendre contact avec la dure réalité.
Bon, dans les années passées ça se passait sous les mûriers du cloître cerné de murs de briques rouges de l’école régionale des Beaux-Arts. « un endroit particulièrement habitable » disait de ce lieu Jean-Paul Dollé qui en était l’invité de l’été 2010. Mais cette année, le lieu pour penser change. Cela se tiendra à la maison de quartier de Villejean où ces 12ème rencontres d’été sur le thème immuable de « penser l’actuel », accueilleront le philosophe Anselm Jappe dont le propos tombe pile poil au bon moment.
Dans son livre « Crédit à mort » (Edition Lignes), ouvrage récent, Jappe y développe sa réflexion de théoricien de la valeur et spécialiste de Guy Debord. En voici un extrait : « Ce capitalisme post-moderne représente la seule société dans l’histoire qui ait promu une infantilisation massive de ses membres et une désymbolisation à large échelle. Désormais, tout contribue à maintenir l’être humain dans une condition infantile: de la bande dessinée à la télévision, des techniques de restauration des œuvres d’art anciennes à la publicité, des jeux vidéo aux programmes scolaires, du sport de masse aux psychotropes, de Second Life aux expositions dans les musées, tout concourt à la création d’un consommateur docile et narcissique qui voit dans le monde entier une extension de soi-même, gouvernable d’un clic de souris. »
« Crédit à mort ». Suffit de regarder autour de soi: jamais vu autant de maisons-forteresses toutes équipées jusqu’à l’araignée assommée au rayon laser ou presque, qui se copient l’une l’autre et se surenchérissent. Combien de vies pipolisées débecquetantes? Tout ça s’envase dans le paraître et la possession, la vulgarité de l’étalage des privilèges et l’obcession du conformisme citadinisé. Dans ces modes de vie-commandements tout y est ennui, carré, complet, plié, fermé, racorni. Dans pareils dépôts tout y est de camelote et de vide. Des idiots y naîtront-ils? c’est fait. Des robots y surgiront-ils? ça vient. Allez! j’arrête là l’énumération, je m’en lasse. Tous endettés à mort dans la Machine et ses mille dents.
Avec le « narcissisme » qui racle le sol, ça s’entend. C’est bien actuel ça, tiens!. Anecdote : hier mardi, de retour de congés, je retrouve mes collègues, une partie d’entre eux du moins. On échange sur les petites choses des vacances comme c’est habituel. Et dans le fil de la conversation j’évoque la situation financière mondiale et donc la nôtre évidemment. J’en attendais alors un écho. Eh bien non ! c’est comme si mes collègues n’avaient pas suivi les infos. Certaines m’ont répondu « ça fait trois ans qu’on parle de crise et c’est toujours pareil. Alors… » Je leur évoquais la crise, mais j’ai eu l’impression que ça leur avait échappé, déconnectés par leurs vacances…Narcissisme, donc
Je crois qu’ils ont entendu comme tout le monde mais ne voient pas le rapport avec eux-mêmes. Ils ont construit leur bulle à crédit, leur bulle, c’est-à-dire leurs murs, parfois leurs muscles, toutes leurs prothèses, leur image globale à crédit et ils ne voient pas comment le chaos actuel pourrait les atteindre et, comme Narcisse encore, ils ont perdu le sens de la limite et ils se disent qu’il y a bien des crises, oui, oui, mais « on » s’en sort à chaque fois et qu’il n’y a « pas d’raison » pour que ça ne continue pas comme ça…Ils ne se sentent pas concernés quoi ! C’est pour ça qu’ils me regardent avec des yeux ronds…
Ah ! « penser l’actuel » ce n’est pas si facile. Y compris de mes collègues qui ne sont peut être pas si aliénés ni narcissiques que ça. Y a très souvent pire! Et puis ne pensaient-ils pas l’actuel aussi d’une certaine façon?
« Penser l’actuel » pour éclairer le futur, d’accord. Mais n’est-on pas démuni face à la tâche. Parce qu’étant tous finalement d’abord dans l’incapacité à imaginer autre chose ? Tous devant la difficulté de se représenter ce que serait ce que l’on ne désire pas ? Face à la difficulté de penser ce qui advient, et même de voir ce qui est toujours déjà là ? Voire même l’incapacité de penser ce qui peut nous briser ?
Et quand le pensable et le représentable sont dans les brumes comment éviter les spéculations oiseuses ?
« Penser l’actuel » sachant qu’il nous échappe en permanence à une vitesse infinie, hum ! pas facile ! Tout se passe au fond comme si on n’y comprenait plus rien…de « l’actuel ». Ou plus rien de nouveau. Du coup, penser selon cette formule courante qu’un « faisceau d’indices laisse à penser » est une tâche à laquelle il convient de s’atteler. Entre autres, par ces rencontres mises sur pied par Planète IO.
Ou bien encore « penser l’actuel » d’un « clic de souris » en mettant en ligne <a href="« >ici nombre de documents sonores et des chroniques comme celle-ci.
D.D
françoise Sur 17 août 2011 à 19 h 40 min
Depuis que j’ai lu « Crédit à mort » d’Anselm Jappe, le « Mort à crédit » de Louis-Ferdinand Céline me revient en mémoire.
Et je me suis dit: »ce n’est pas possible, il y a un lien, évident, entre Crédit à mort et Mort à crédit. »…
Dans ce cas, quelques clics nous permettent de trouver un article de journal dans lequel la question a été posée…et j’imaginais déjà A. Jappe pointer sur les similitudes etc…
Mais ce soir, lorsque j’ai libellé ma recherche « Crédit à mort Mort à crédit », j’ai vu s’afficher les liens suivants :
-Besoin d’un crédit ?
-Crédit on line
-Simulez votre crédit
-Un crédit rapidement ?
-Simulation gratuite de prêt
-etc…
Sans doute ai-je arrêté ma recherche trop tôt car j’allais sans doute être orientée vers des Pompes funèbres, qui, je suis prête à la parier m’auraient proposé une mort à crédit ou un crédit à mort.
m.d Sur 19 août 2011 à 12 h 12 min
… Et aussi, pour tous ceux préoccupés par l’actuel et qui veulent trouver des informations fiables et de qualités, il y a le blog de l’anthropologue Paul Jorion et de son camarade journaliste François Leclerc : http://www.pauljorion.com/blog/