Tableaux de nuit
Écrit par M.D sur 20 mai 2011
En pleine mer, en haute montagne ou bien dans le désert, les voyageurs ont toujours cherché les étoiles pour frayer leurs chemins. Car le dessin de ces points lumineux dans le ciel ont et seront toujours pour eux des cartes précieuses. Celles qui permettent de déjouer l’obscurité et les périls. Celles auxquelles on se réfère lorsque, sous le coup de l’angoisse et des doutes, la volonté vacille. Avançant sous ces tableaux de nuit, se guidant à la position des étoiles, les voyageurs y ont trouvé, de tous temps, une aide sans laquelle ils seraient allés à leurs pertes. Aussi chacun de ces hommes, s’arrêtant pour contempler les étoiles, a dû éprouver ne serait-ce qu’un instant ce sentiment d’amitié et de bienveillance; cette impression qu’elles s’adressent à nous pour nous donner le sens. En les regardant l’homme qui vit dans l’incertitude et dans le doute se sentira un peu moins seul, un peu plus confiant. Oui, les étoiles, en nous situant, ont cette vertu, pour les voyageurs, de donner confiance.
Alors, aujourd’hui que notre époque est celle du spectacle d’un empire qui s’effondre, d’une hégémonie qui s’évanouit et d’un ordre qui tombe, cette époque où les crises s’accumulent ; où l’air, l’eau, la nourriture et toutes ces choses qui nous permettent de vivre sont marquées d’incertitudes, cette époque où le statu quo et le déni des puissants ne font que précipiter la chute et où tant d’autres cherchent aveuglément refuge, cette époque où la bêtise et le chacun pour soi hargneux est ce qui occupe les pouvoirs et les esprits, bref dans cette époque où ce monde ne tient plus et où tant se pensent hors de cette situation commune, les étoiles ont, pour nous autres voyageurs, ceci de nous rappeler un certain sens : » Une situation est ce qui ne dépend pas de notre volonté, c’est la stratégie au sein de laquelle nous existons. » Et que « l’homme aura quelque chose à voir avec la liberté dans la mesure où il pourra se penser comme terme, comme élément de chaque situation qu’il habite, faute de quoi il tombera sous le coup de la description de Spinoza, pour lequel les hommes se sentent libres parce qu’ils ignorent leurs déterminations et leurs chaînes« .*
* Miguel Benasayag, « Le mythe de l’individu »
françoise Sur 21 mai 2011 à 6 h 42 min
« Il reste autour de nous assez de signes de l’innocence du monde, de mouvement perpétuel, de chasteté et de malice, d’environnement lunaire, automnal, pour que ressuscite l’imagination des premiers âges. »
Jean Baudrillard