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« Porte ouverte ». N°932

Écrit par sur 18 mars 2020

Le confinement de quinze jours derrière porte et fenêtre, sans possibilité d’outrepasser sa situation humanistique, ça donne quoi ? Considérant que toute chose est plus qu’elle-même, le confinement peut alors nous donner à voir. A mieux voir.

Pour profiter de rester chez soi. Car toute position demande son renversement. Si bien que de ce temps confiné il est possible d’en faire un moment artistique. Ce qui ne signifie pas obligatoire de sortir pinceaux et tubes de peinture ni de multiplier les clichés avec son téléphone portable.

Ce moment artistique réside en une chose. Il s’agirait de saisir autour de soi, chez soi évidemment, « (…) l’indistinction entre ce qui est de l’art et ce qui n’en est pas. » comme le note le philosophe Jacques Rancière dans son livre Le temps du paysage. Aux origines de la révolution esthétique.

Photo de William Henry Fox Talbot (« The pencil of nature ») The open door, avril 1844, Grande-Bretagne, épreuve sur papier salé.

Talbot consacre à la composition de « Porte ouverte », l’une de ses photographies les plus célèbres, au moins trois années de travail. Cette image interpelle à la fois par son sujet tiré du quotidien et la puissance invitante de l’ombre. « À l’exemple de l’école hollandaise, nous choisissons comme sujets des scènes quotidiennes et familières. L’oeil du peintre s’attardera souvent là où les profanes ne voient rien de remarquable. Un rayon de soleil, ou encore une ombre en travers d’un sentier, un chêne éprouvé par les années ou une pierre moussue peuvent susciter un flot de pensées, de sentiments ou d’imaginations pittoresques », déclare Talbot. »

Jacques Rancière – Le temps du paysage. Aux origines de la révolution esthétique.

A partir du moment où nous n’osons pas serrer la main ni embrasser ceux que nous aimons, et que les liens deviennent suspects au même titre que toute poignée de porte, profitons mieux du rayon de soleil, ou encore de son ombre, et des détails alentours.

À l’heure où j’écris ces lignes confinées, personne ne peut dire comment l’on en sortira de tout ça. L’absence de certaines choses reconstruit une réalité. Si bien qu’à défaut d’allées et venues en dehors des motifs des cases à cocher, et résistant à l’inextinguible besoin d’échappées, vérifions cette phrase du critique d’art John Berger « Notre façon de voir dépend de ce que nous savons ou de ce que nous croyons. »

Profitons ainsi du confinement pour lâcher prise, laisser le vide faire son travail, et ne plus croire là-aussi à la puissance suprême de ceci ou de cela qui pourrait dire ce qui est de l’art et ce qui n’en est pas.

D.D

Ce qui a été écrit et dit ici-même autour de l’école hollandaise, ici. Ainsi que le voir, ici.


Les opinions du lecteur
  1. Françoise   Sur   19 mars 2020 à 9 h 07 min

    Alors, lire, lire, avec, (enfin !) bonne conscience !
    Relire aussi.
    Ainsi Paul Valet :
    « Je pense
    donc je fuis »

    Et dans « La parole qui me porte »

    « Ni grec ni juif ni gaulois ni chinois ni catholique ni protestant
    ni figue ni raison

    Rien du tout
    Un clou
    Un clou rouillé
    Un clou sauvage
    Un clou de sabotage
    Engagé volontaire
    Dans votre chambre à air »

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