La Cop 21 ou Requiem pour l’humanité, suite ( les attentats à Paris ). N°710
Écrit par D.D sur 18 novembre 2015
La Cop 21 ou Requiem pour l’humanité, suite. Oui ça peut surprendre d’en donner une suite compte tenu des événements en cours.
Pourtant, il peut être éclairant de montrer la quasi-simultanéité des deux événements : l’un portant sur un futur limité par la question écologique, la fin programmée des ressources naturelles, comme le pétrole; l’autre portant sur un passé monstrueux en faveur du pétrole.
Daech, la pointe avancée des monarchies pétrolières du Golfe, n’est-elle pas la représentation même du pétrole ? Y compris dans la symbolique, son drapeau aux lettres blanches sur fond noir, ne renvoit-il pas à la couleur de l’Or noir ?
S’ajoute le fait que ces deux événements ont lieu à Paris, à quelques jours d’intervalle ! Voici de bien drôles coïncidences. Face à la transition vers l’ère postcarbonne s’oppose frontalement une puissance guerrière pro-pétrole qui s’appuie sur l’idéologie la plus conservatrice du moment.
Ce point de vue peut apparaître iconoclaste. Qui pourrait rappeler ce fameux adage fort réaliste : toute chose engendre son contraire, formule si chère à Paul Virilio ! Dit autrement, les deux faces de la même pièce.
Poser cette éventualité c’est essayer de comprendre. Face à l’effroyable escalade et à de telles scènes de corps broyés de victimes innocentes, des jeunes à qui la vie a été ôtée si ignominieusement, et de ses incurables blessures dont on ne peut pas s’en faire idée, que comprendre ?
Car même les mots qui témoignent ne sont plus que des mots blessés, désarticulés, brisés, tétanisés, impuissants. Qui expriment tout au plus la stupeur, l’hébétude. Et ces maîtres-mots à utiliser avec retenue et pudeur, les mots « horreur » ou « barbarie », les médias et toute une armada de commentateurs les propagent, les exhibent à un point tel qu’en boucle ils s’épuisent en bruits de plateau télé. Déjà qu’en temps normal « Horreur » est le mot-clé des « Unes » de la presse française.
La barbarie n’est pas l’objet d’une parole ou d’une pensée, c’est ce qui nie fanatiquement la parole ou la pensée. Depuis que la barbarie, l’immonde, s’est passée, nous sommes muets . Les mots pour dire ce besoin de dire nous manquent.
Comment comprendre ? Sinon dans un premier temps se taire, écouter compulsivement les « nouvelles ». Repliés dans le chacun-chez-soi, « scotchés » sur les infos. Qui viennent de Paris, Paris ville-monde, ville d’un humanisme sans frontière. Puis dans un second temps, chercher à comprendre ces attentats de vendredi qui sont l’attaque terroriste la plus meurtrière que la France n’ait jamais connue de son histoire.
Pas facile. Car personne n’avait pensé que la barbarie allait réapparaître ici, de nos jours, sous cette forme-là. Car c’est une forme ! Mais qui échappe complètement à notre raisonnement.
Ainsi, par paresse intellectuelle, ces jeunes criminels français sont qualifiés de dingues, de fous, de cinglés, des malades, des tarés, des psychopathes. Cependant il peut être éclairant de montrer qu’avant d’être possédés religieusement ils étaient néanmoins normaux . L’un des deux à s’être fait exploser aux portes du Stade de France a été un passionné de foot. Les deux du Bataclan ont été rapeurs. Les deux frères, chefs du réseau, tenaient un bistrot en Belgique, et semble-t-il étaient plutôt connus pour la fête et la picole. Rien de bien austère, rigoriste et religieux chez eux. Plutôt aux profils assez ordinaires. Jusqu’à cet ancien chauffeur de la RATP, titulaire d’un bac littéraire. En gros, qu’avaient-ils à voir avec Daech et pourquoi ce délire barbare ?
Quand notre président dit que c’est la jeunesse de France qui était la cible, pourquoi omet-il de dire que quelques éléments de celle-ci faisaient feu ? Sous un prétexte idéologico-religieux, ne serait-ce pas plutôt un acte provenant de la nature même de notre société consumériste ? Puisqu’épousant le même désir sans limite, il peut être éclairant de montrer que dans nos sociétés du toujours plus, eux pour le coup ont fait beaucoup plus. Et ainsi se sont-ils fait un nom désormais mondialement connu dans leur catégorie, comme tout bon rapeur ou excellent joueur de foot.
Qui sont vraiment ces barbares aux kalachnikovs et bombes humaines ? Selon Marc Sageman, spécialiste américain de la psychologie des terroristes, « ces individus n’ont pas de problèmes psychologiques, ils ne sont pas fous. Ce ne sont pas des psychopathes, ils sont idéologisés. Ils se sentent comme des soldats et tuent pour leur patrie. Ils sont fiers d’appartenir à cette internationale jihadiste ».
Qu’est-elle donc cette idéologie jihadiste ? Elle se nomme le salafisme djihadiste encouragé par le wahabbisme. C’est l’idéologie existante, financée et exportée partout dans le monde par les monarchies obscurantistes du Golfe -que nos dirigeants dorlotent et auxquelles notre pays est fier de vendre des Rafale-, qui extermine ce qu’il considère de « l’idolâtrie ». Dans celle-ci, l’on trouve la musique, l’art, la fête, etc. Soit tout ce qui fut attaqué les 11 janvier et 13 novembre. Comme le dit si bien le juge anti-terroriste Trévidic : « les terroristes détestent notre façon de vivre, notre mixité et notre rapport à la laïcité ».
Une idéologie du « martyr » qui se sacrifie pour assassiner les autres, et qui, à rigoureusement parler, hait la pensée, le rire, la musique, la fête, les mouvements de la vie des « mécréants », l’humain décontracté aux peaux multicolores, le social républicain aux origines mêlées, le savoir jouir de la vie, notre façon d’être au monde, à la terrasse des cafés ou en salle de concert, ce qu’il fait bon vivre à Paris. Autant de qualités qu’incarneront à jamais ces «morts pour la patrie» du 13 novembre.
Mais la religion n’est qu’un paravent. C’est une idéologie totalitaire, dotée d’un processus de radicalisation stupéfiant – on voit proliférer sur les « réseaux sociaux » des milliers de messages faisant l’apologie du terrorisme, explicitement -, qui ne peut plus être perçue comme un épiphénomène passager qui, de Damas à Paris, se déroule depuis cinq ans sous nos yeux par écrans interposés, mais bien comme un courant de fond international qui concerne tout le monde. Elle commet des actes de guerre qui sont pensés, planifiés et mis en pratique. Et des gens prêts à passer à l’acte ont fortement augmenté, et augmentent de plus belle. Mais ceci pour des motivations qu’il serait urgemment bon de comprendre.
Du coup, dans l’ignorance, la panique et l’apathie citoyenne – ainsi que dans la mondialisation instantanée et simultanée des affects et des peurs, « Les terroristes ont très bien compris ce phénomène, et ils en jouent » dit Virilio-, s’installe un climat d’affolement et de surenchère sécuritaire qui favorise par ailleurs les suggestions les plus inquiétantes. Elles peuvent être redoutables et nous pouvons craindre tout autant leurs conséquences que les faits qui les ont déclenchés. L’engrenage des peurs est l’arme absolue de toutes les Terreurs.
Donc comprendre. Et, pour cela, remonter aux sources est essentiel: qui sont réellement les monstrueux commanditaires de ces attentats qui, en provoquant une diversion sanguinaire, détournent l’attention de la Cop 21 (priorité de l’humanité), ce qui peut tout faire capoter ?
D.D