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Jimmy’s Hall. N°640

Écrit par sur 16 juillet 2014

Le film. Dans une chronique précédente je citais les propos du cinéaste anglais Ken Loach. Revenons à lui par le biais de son dernier film Jimmy’s Hall.

Que raconte l’histoire de Jimmy’s Hall ? D’abord l’histoire racontée est vraie. C’est celle de Jimmy Gralton. Un militant presque comme tout le monde. Cela se passe sous la chape de plomb de l’Église dans la société irlandaise des années 1920-30. Jimmy, exilé à la suite de la guerre civile dix ans aux Etats-Unis (où il a connu la prison), rentre au pays pour y aider sa mère dans l’exploitation de leur ferme. Tout juste arrivé il est accueilli par une bande de jeunes de la région qui le connaissent de réputation.

Dans cette campagne profonde où il n’y a rien, ils lui demandent d’y reprendre le projet, abandonné à son départ, d’une grange dont il veut faire une sorte de foyer rural de jeunesse gratuit et ouvert à tous. Il accepte et ré-ouvre le dancing culturel. Le « Hall ». Où l’on se retrouve pour apprendre, se distraire et discuter ensemble. Où mille liens se nouent. Où chacun amène son savoir pour le transmettre aux autres. Où tout en retapant bénévolement cette bâtisse de planches, l’on passe du bon temps. Où l’on goûte à la liberté en venant prendre des cours de dessin, de chant, de boxe, de poésie. Et surtout de danse. Aux pas de jazz importés d’Amérique par Jimmy avec le gramophone, « cette musique, prêche le prêtre en chaire, venue de l’Afrique la plus noire, qui enflamme les passions »…

Petit à petit, les jeunes gens du coin y trouve un refuge, bientôt dénoncé par le prêtre qui devient comme fou : le communiste est revenu d’Amérique pour corrompre la jeunesse dans l’antre de Satan !

Alors que se réactivent les clivages et les haines anciennes entre habitants –celles de la guerre civile-, une étroite solidarité de la majorité de la population se met en place. Où l’élan d’une communauté vivante s’exprime : invention, idées progressistes, émancipation des jeunes corps, et lutte contre la pensée dominante. Bref, autant de choses absolument insupportables dans ce monde ultra-conformiste et glacé des dominants, des représentants de l’Eglise et des propriétaires terriens.

Puis arrive cette lutte pour la justice. Qui s’engage quand le landlord local expulse une famille de fermiers. Jimmy, notre héros, sollicité parce qu’il sait parler aux gens, y est promu leader du mouvement contre l’expulsion. Et pour la ré-installation des fermiers chassés. Il les réinstalle. S’ensuit la répression. Le « Hall » en représaille est mis à feu. Puis immédiatement et sans autre forme de procès on fait de lui une force malfaisante, l’homme à chasser. A casser. Un terroriste. A qui est notifié un arrêté d’expulsion de l’Irlande (où il est pourtant né) sans possibilité de se défendre.

Ken Loach est un cinéaste engagé ayant eu pour objectif depuis ses débuts, il y a environ un demi-siècle, de « Donner la parole à ceux qui ne l’ont pas ». Dans Jimmy’s Hall il nous indique à l’occasion de cette scène d’action collective qui va jusqu’à la castagne, la manière dont les collectifs, en fonction de leur convergence d’intérêt, se créent. C’est-à-dire la façon de trouver des alliances, de se rapprocher d’autres groupes pour créer un ensemble en mouvement. Evidemment pour Loach cette exemple vaut pour notre époque. Face à l’amplitude, à l’étendue et à l’implacabilité de la machine de propagande à laquelle on doit faire face.

A ceci près que pour lui, dans l’emprise morale sur les esprits d’aujourd’hui «les médias ont remplacé le prêtre d’autrefois qui, depuis sa chaire, nous disait quoi faire et ne pas faire. Ils contrôlent notre culture d’une manière très pernicieuse, en marginalisant les discours alternatifs. La pensée radicale ne suscite que la méfiance, elle paraît excentrique, déplacée, absolument pas crédible. »

Tel ce prêtre guerrier qui dans sa macération spirituelle prend sa maladie pour l’état du monde. Et traque les soi-disants responsables de son mal-être au lieu de s’en prendre à sa haine du corps et du plaisir.

Et comme dans chacun de ses films Loach y filme l’endurance des simples gens, leurs ressources de courage et de résistance face aux ligues de la bêtise ordinaire. Qui ne peut concevoir que des jeunes gens puissent vouloir vivre autrement que sous sa chape de plomb. Même quand ceux-ci ne demandent qu’à pouvoir danser, apprendre le gaélique ou le chant sans passer par l’école des prêtres, et se retrouver entre bons copains…

Dans ses films la caméra tout en retenue est au niveau du groupe, à la hauteur du collectif. Donc l’on y voit ce que Loach adore: les groupes, les attroupements, ou les fêtes, où tous les mouvements à l’écran sont toujours fluides. Il s’agit tout au long, à la base, de nous rappeler une solidarité élémentaire, l’évidence d’un lien plus chaleureux et vital que celui de l’institution.

Extrait.

Ce qu’il me rappelle. Sans aucune comparaison, j’avoue avoir été sensible à ce « Jimmy’s Hall ». Qui a suscité chez moi quelques souvenirs. Mieux ! Qui remet en pleine lumière ma jeunesse et le désir avec d’autres de transformer une Maison du Peuple -alors assez désertée (hors fêtes de famille) mais qui fut dans la grande époque des carrières de granit un lieu populaire de baloches et de réunions syndicales et politiques- en maison des jeunes d’un coin de campagne. Nous l’avions investi en ateliers divers et variés: danse gallo, cours d’accordéon diatonique, théâtre, conférences et discussions.

L’expérience dura peu d’années. S’épuisant dans des travaux nullement indispensables de mise en conformité (sécurité) coûteux et fatiguant. Que nous financions par des bals gallo bien appréciés. Puis une pincée d’années après, pour lancer cette radio-ci en souhaitant l’y installer nous avions sollicité l’accord des représentants locaux (aujourd’hui décédés) de la section CGT des Ouvriers granitiers du bassin Lanhélin/Saint-Pierre-de-Plesguen, sa propriétaire, qui très gentiment ne l’ont pas entendu de cette oreille.

Cette Maison du Peuple du Rocher Abraham, symbole de la solidarité ouvrière de 1936, année de sa construction, bâtie bénévolement en granit bleu du pays par les ouvriers syndiqués, et associée à la revendication du statut de commune libre du Rocher-Abraham, mais sans relève militante, vient d’être cédée récemment au plus offrant pour une bouchée de pain à un particulier qui l’arrange à sa façon en maison d’habitation.

La trop défaillante communauté de communes de Bretagne romantique étant loin de comprendre l’intérêt public de cet édifice –entre autres- ne s’inquiéta nullement de ce qu’elle aurait pu en faire. A moins que côté patronat local et ses affidés la bataille des mémoires soit toujours bien vivace, en particulier quand elles concernent les luttes sociales et la mémoire ouvrière. Bref, pareil déni est lamentable !

Bon, disons-le, dans cette mémoire reste c’est vrai le peu de goût de ces travailleurs-là pour les « bottes sèches » -seul le patron avait les bottes sèches, les ouvriers de la carrière travaillaient en permanence dans l’eau au fond du trou – ni pour les notables et leur fatras. Ainsi s’est achevée cette aventure qui habite encore un peu la mémoire collective. Avec cette fierté en cette aristocratie ouvrière. J’ai connu ce monde-là qui n’existe plus aujourd’hui.

Et en écho jazzy à cette présentation de « Jimmy’s hall », un rappel de « cette musique » qui part des hanches pour « exploser vers l’extérieur ».

D.D


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