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Dinan, « Projet Gare, un aménagement urbain en terre crue. » N°968

Écrit par sur 25 novembre 2020

… le fameux « petit pan de mur jaune » dont Proust parle à propos d’un tableau de Vermeer et dont on oublie qu’il est aussi, au départ de l’acte figuratif, un fragment d’écriture urbaine, une façon de prendre la lumière, une disposition. »

Jean-Christophe Bailly, écrivain – La phrase urbaine (pg 160).

Ici ressurgit de nouveau une réalité construite, reconstruite, remodelée par le travail collectif, sa redécouverte continuelle. J’évoque là l’usage d’une matière de construction planétaire pour laquelle celles et ceux qui nous suivent depuis de longues années savent combien ici, à Radio Univers, nous nous sommes attachés à la promouvoir: la terre crue.

Avec, en sa faveur, plus d’une trentaine d’années de plaidoyer à contre-courant. Si bien que découvrir – et photographier- au hasard de ma marche en ces temps compliqués, sur le mail de la gare de Dinan (Côtes d’Armor), ce beau projet urbain avec son pilier et ses deux cônes dissemblables – l’un en dôme, l’autre en tour- le tout en terre crue apparente surmontée d’un ample auvent en bois, m’a particulièrement réjoui.

Normal. Pour le béton de terre crue, due à la finitude des ressources en sable, etc., le changement climatique, etc., la perte de biodiversité, etc., l’heure est venue. Car ces qualités bien qu’elles peinent toujours à être reconnues, bref, comme ne relevant pas d’une invention de l’imagination, sont nombreuses : pas de processus chimique pour la transformer, c’est un produit non-industriel, hors des logiques de l’économie de marché et de l’industrie, dont la capacité de mise en oeuvre dépend des savoirs faire locaux.

Mais s’il a existé durant ces décennies moult tentatives de relances « d’écriture urbaine » en terre crue – toutes réussies, une étude-diagnostic récente le confirme-, l’on en compte autant de coups d’arrêts « normatifs ». Qui demeurent. Disons, l’heure « officielle » des cabinets ministériels où les lobbies s’activent, n’y est pas… N’y sera jamais.

Pourtant plus personne ou presque ne peut nier que le savoir faire constructif de la terre crue a continué à son humble façon, ni archaïque ni insolente, à creuser son sillon générationnel et créatif. Ce qui fait dire sans équivoque que cette fois, c’est le moment opportun. Pour inspirer ? Donner envie ? Ou prendre sa place, bien naturellement.

Dès lors, sur ce mail affiché éco-responsable et cette fois en position à l’avant-poste, avec sa « façon de prendre la lumière, une disposition », eh bien que cet art public et d’éducation pour tous en devienne l’un des plus heureux manifestes ! Laissons alors la Ville de Dinan l’annoncer par elle-même.

D.D

« L’urbanisme vit au gré des populations humaines, faunistiques et floristiques. Il s’inscrit dans une réflexion du long terme qui engage notre responsabilité vis-à-vis des générations futures. Chaque aménagement urbain doit être éco-responsable. Celui du quartier Sud-Gare s’inscrit dans cette démarche.

→ En son centre, y rayonne un auvent monumental. Des espacements dans la structure permettent la récupération les eaux pluviales et facilitent le passage des branches d’arbres qui l’entourent. De fins poteaux soutiennent l’auvent, une partie d’entre eux sous la structure, le reste sortant de sa limite pour sembler se perdre parmi la végétation.

→ D’autres éléments sont en  » terre crue « , matériau respectueux du développement durable : Naturelle et saine, excellent isolant thermique et phonique, la terre crue absorbe les ondes électromagnétiques, ne provoque pas d’allergies et est complètement recyclable.

→ Une telle construction ne génère aucun déchet chimique, a une empreinte carbone faible et se répare facilement. L’utilisation de la terre marque une forte symbolique : la dialectique harmonieuse du rural et de l’urbain dans notre agglomération aux territoires bigarrés. Elle témoigne de l’image d’une ville centre ouverte sur son environnement local. La mise en œuvre est assurée par une artisan maçon basé à Evran, et la terre employée provient des terres de Saint-Juvat. Afin de faire (re)découvrir ces techniques ancestrales de construction, des ateliers pédagogiques seront bientôt proposés sur site. »

Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de la construction en terre crue. Ainsi qu’autour de lhabiter, de Jean-Christophe Bailly, et de Vermeer.


Les opinions du lecteur
  1. Françoise   Sur   26 novembre 2020 à 9 h 29 min

    une échappée belle, en soi, déjà, pour cet avenir de gare …
    « un art de la tenue, un « se tenir » efficace et serein, parfois discret, parfois décalé.», « une architecture à nouveau politique »…
    Mais laissons JC Bailly poursuivre, toujours dans « La phrase urbaine »
    « Il faut délivrer l’architecture de la solitude des objets autoproclamés, c’est-à-dire la délivrer de la proclamation. Ce qui est au contraire à stimuler, c’est une architecture de l’articulation et de la césure, c’est une science des intervalles et des leitmotive. En lieu et place de grandes arias découpées à la scie dans l’espace, des récitatifs qui se parlent. En lieu et place d’une volonté d’exhibition ostentatoire, un art de la tenue, un « se tenir » efficace et serein, parfois discret, parfois décalé. Et ainsi de suite : mais ce qui compte à vrai dire, c’est que de tels principes ne sont pas de l’ordre de la recommandation ou de la préférence esthétiques, et encore moins de l’effet d’annonce, c’est qu’ils définissent le cadre structurel ou le schéma conditionnel d’une architecture à nouveau politique, ce qui revient à dire d’une architecture à nouveau capable d’outrepasser la gestion habile du donné pour introduire entre les hommes l’espace de leur cohabitation comme une idée remise au travail. Non pas refondée sur le grand autel d’un dogme de réorganisation sociale, mais articulée à des pratiques fluides advenant d’ores et déjà dans des espaces intermédiaires et des intervalles, dans des plages ouvertes de l’espace qu’il suffirait de retendre. « 

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