« A quel moment est-on indigène ? ». N°795
Écrit par admin sur 12 juillet 2017
Oh! ça j’adore. Je lis un échange lors d’une rencontre entre les botanistes Gilles Clément, jardinier, écrivain et photographe, et Francis Hallé , ambassadeur de la canopée, grand défenseur de la forêt tropicale :
« Gilles Clément acquiesce : « Les chênes ont été apportés de la péninsule Ibérique par les geais. On a sacralisé le chêne, les druides… “C’est notre arbre !” Mais non ! Il n’était pas là avant. A quel moment est-on indigène ? En fait, jamais. »
Et Francis Hallé de conclure : « Les chênes, ce sont des arbres tropicaux. L’origine des chênes, c’est Bornéo et le Mexique. C’est devenu le symbole de la flore d’Europe, mais c’est comme le coq gaulois. Vous savez qu’il est de Thaïlande ? » »
Retenons la question. Très obscure. « A quel moment est-on indigène ? » Cette même question pourrait de la même façon être soulevée à Brest où se visite un jardin créé dans la Batterie du cavalier (face au château, côté Recouvrance). Puisque ce lieu dénommé « le jardin des explorateurs » rend hommage à la passion des explorateurs partis de Brest aux quatre coins du monde. Les hortensias (emblématique de Bretagne, découverts au Japon par Commerson pendant son voyage autour du monde avec Bougainville) côtoient des fougères arborescentes, des fraisiers (importés du Chili), du lin de Nouvelle-Zélande (acclimaté pour la confection de cordage) et d’autres végétaux originaires des antipodes, identifiés par le botaniste brestois Raoul.
Et puis, il y a l’Histoire, notre histoire telle que chacun devrait la connaître : nous sommes entrés dans l’ère de “l’anéantissement biologique”, l’anéantissement de la biodiversité – composé des mots bio (du grec βίος « vie ») et « diversité ». Une tragédie. Beaucoup de cadavres. Lire ici.
Ce que désormais des chercheurs nomment une « défaunation » aux conséquences « catastrophiques ». Selon eux, la sixième extinction de masse s’accélère.
“La situation est tellement grave qu’il est parfaitement éthique de pousser un coup de gueule”, ajoute l’un d’eux dans The Guardian. L’étude montre en particulier que l’ensemble des 177 espèces de mammifères étudiées ont perdu au moins 30 % de leur territoire entre 1900 et 2015 et que plus de 40 % d’entre elles ont connu une forte baisse de population. Mais surtout, elle met l’accent sur le fait que des espèces qui ne sont pas considérées comme en danger voient leur population diminuer. »
Alors pour commenter « à vif » ce terrible bilan, je reprendrai ici ce qu’autour de moi j’entends, comprends et approuve : « Je trouve ça dégueulasse de considérer que c’est l’humanité dans son ensemble qui est responsable. ( C’est en soi un nihilisme.) Tout ça a une histoire, une politique, etc… La réalité : Ce qui est en train de tout foutre en l’air c’est ce putain de capitalisme. Qui s’est trouvé sa réalisation la plus parfaite en Trump.
Mais par contre, dénoncer le capitalisme, la société de consommation tout ça, c’est un truc de has been, non il ne faut surtout pas en parler, parce que ça remettrait trop en question tout le petit confort occidental, etc…
C’est pas l’humanité qui détruit la planète, qui nourrit les guerres, fout en l’air les autres espèces, etc… C’est son inhumanité, celle de l’accumulation sans limites. Et dont l’Europe et les US sont le centre aujourd’hui. »
Donc, non, ici, nous ne tomberons pas dans le piège de dire que c’est « l’humanité pêcheresse par nature » (on dirait du catéchisme). Comme le prêchent haut et fort celles et ceux qui s’en prennent à « l’espèce » entière. Car « qu’est-ce qu’il a fait de mal le Pygmée ? » me dit-on ici encore autour de moi. Ce que j’entends, comprends et approuve.
L’Aborigène d’Australie, l’Indien Navajo du Sud-Ouest américain, ou l’Inuit du Grand Nord canadien qui doit repousser sa saison de pêche ancestrale parce que la glace est moins épaisse; lui, qui ne chasse plus le caribou car il est devenu trop rare au Nunavut (territoire au nord du Canada). Lui, enfin, qui voit chaque jour la banquise fondre – elle a perdu 30% de sa surface en trente ans! Avec des conséquences désastreuses: hausse du niveau de la mer, dégel du pergélisol, déplacement des populations, etc… « Qu’est-ce qu’il a fait de mal… » ?
Comme aussi celle ou celui qui vit au coeur des forêts brésiliennes, sur les îles mélanésiennes ou encore en Afrique centrale… « Qu’est-ce qu’il a fait de mal… » ? Dans les jardins ou pas, imaginons que cette question devienne celle de l’été. « A quel moment est-on indigène ? »
« Ne pas rendre responsable l’humanité dans son ensemble des conséquences des choix qui ne sont pris que par et pour le capitalisme. » Se dit-on ici. A vif.
D.D
Ce qui a été dit et écrit ici-même autour de la décroissance. Et du convivialisme.