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Le ciel sans nationalité. N°539

Écrit par sur 20 juillet 2012

« A propos du Code de la Nationalité.
EST FRANCAIS QUI VEUT
Si les mots ont un sens -ils ont toujours sens – l’expression « code de nationalité » est au mieux une impropriété linguistique, au pire une grave erreur historique.
En effet, de quoi le mot « code » relève-t-il ? Soit de la langue, soit de la justice. On dit, communément, que pour communiquer il faut disposer d’un code. Par exemple, si on parle français, quand quelqu’un dit sel, tous ceux qui entendent l’idiome français se représentent une saveur, le salé. Mais tous savent, même s’ils n’ont jamais entendu parler du philosophe Spinoza, que le concept du sel n’est pas salé.
Un code n’a ni odeur, ni saveur: il n’a pas de qualités sensibles. Est-ce que la nationalité -qui ne peut être entendue sans être accompagnée des qualificatifs donnant couleur et saveur à l’entité nommée: allemande, française, italienne, iroquoise, anglaise, chinoise,etc -peut être pensée et parlée sous le registre code? Non! c’est une absurdité logique. En assimilant la nationalité à un code, on l’exclurait du champ de ce qui est qualifiable, chose impossible. Alors…

La France est une idée
Alors, la nationalité serait-elle un délit, passible d’un code judiciaire, celui édicté par le Tribunal de l’histoire? Le penser, c’est insulter l’histoire de la France, qui, bien avant la Révolution, depuis Hugues Capet, s’est parlée et dite, non par rapport à la nationalité, mais par rapport à une idée, l’idée de la France, qui s’est construite au nom de « l’Etat ». L’originalité de la nation française, c’est précisément ceci: un mode de rassemblement politique.
Ni culturel, comme en Allemagne ou en Angleterre – il n’y a pas de culture française, mais, écrite en français, une visée universelle qui ne s’intitule pas Culture mais Civilisation, – ni archéologique – comme en Italie ou en Grèce qui se veulent Nation, en tant que résurrection d’un passé fondateur de l’Occident, Rome et Athènes – encore moins messianique, comme aux USA, la promesse d’un « Nouveau Monde ».

Les Français sont introuvables, n’existe que la France
Ce qui tient les Français assemblés ne s’explique ni par le folklore, ni par une mythique communauté d’origine. L’Etat royal invente le Pré Carré, la République, la Nation.
Les Français sont introuvables. N’existe que la France. Cette affirmation n’est ni antiraciste, ni raciste. Elle synthétise ce qu’il en est, en France.
On est d’autant plus étonné que la droite, qui se recommande, soit de la maxime cardinale de Maurras « Politique d’abord », soit de la parole du Général de Gaulle « J’ai toujours eu une certaine idée de la France », brade ces évidences.

La patrie, c’est le genre humain
La gauche, elle, héritière de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, élargit l’idée de la nation. La droite pense Etat, la gauche « patriotisme ». Le « patriotisme » est le contraire de l’adhésion familiale ou religieuse à la terre de ses ancêtres ou de ses dieux. La patrie est l’espace de la citoyenneté. La patrie c’est le genre humain.
Concrètement, politiquement, cela s’énonce « La France c’est un plébiscite de tous les jours »: Renan. « Est français qui veut »: Simone Weil.

Un pari métaphysique et moral
Est français celui qui exige son droit de jouir de tous ses droits. C’est le point qui distingue fondamentalement la Démocratie Américaine, fondée sur le serment que doivent prononcer tous les émigrants sur le Texte de la Constitution, s’ils veulent devenir Américains, de la République Française qui s’institue comme le régime de la liberté de pensée et de croyance, y compris pour ceux qui le veulent, de penser et déclarer que la France et les Français sont des réalités détestables.
Oublier que c’est ce pari métaphysique et moral qui nous réunit, nous tous habitants d’un territoire qui n’est après tout, comme le disait Giscard d’Estaing, que le millième de la surface du monde, c’est faire fi d’un millénaire de notre histoire et concourir à l’entreprise de destruction de notre souveraineté nationale, que souhaitent, peut-être, nos ennemis.

Citoyens, chapeau bas.« 

Jean-Paul DOLLE. Texte paru dans Légende du siècle-N°3-mardi 19 mai 1987.

Mêlé à la foule, la visite en touriste du port d’Honfleur m’amène à remettre sur le net un tel texte du philosophe cité ci-dessus. L’envie m’est venue à partir du ciel. Le ciel des bords de Seine que nous avions en partage, sans nationalité, commun à l’humanité entière. Sans invasion, ni mainmise. Il peut avoir des formes différentes, il s’étend à tout point du monde, le ciel ça se partage. Pourquoi, comme transporté, lorsqu’on regarde un ciel, n’éprouve-t-on pas un sentiment d’amour pour l’humanité? Quel fou établirait un Code de la Nationalité à ce ciel en surplomb des petites ruelles d’Honfleur et d’ailleurs? Considérant ce qu’écrivait Dollé, où mieux qu’en France pourrait se célébrer -un jour de juillet pourquoi pas- le ciel sans nationalité ?

D.D


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