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La chasse aux enfants. N°522

Écrit par sur 21 mars 2012

La volonté de ne pas voir, de ne pas entendre, de ne pas sentir et ne pas réagir. Faire l’autruche. Pour un bon nombre.

Heureusement, comme aux heures les plus sombres de l’histoire, des citoyens s’engagent. Les exemples ne manquent pas. Ils se tiennent à l’écart de l’action politique.

Place Royal à Nantes, sur laquelle est érigée la statue Neptune armé d’un trident, point de repère pour les nantais, se tient le 8 février dernier un cercle d’une trentaine de personnes plutôt âgées vers les 18 heures.

Cette place je la prends en marche. Et dans le flux des passants pressés ordinaires des rues piétonnes, entre deux temples de la marchandise, ce cercle de personnes immobiles m’interpelle. Pas de slogan scandé elles se tiennent debout dans le silence, longtemps. Coupées du flux. Inscrites dans un autre espace-temps géométrique. Un tract et des affichettes expliquent aux passants curieux le pourquoi d’un tel rassemblement. Mais rien sur le pourquoi du cercle. Est-ce pour mieux réaliser que la terre était ronde?

Certains de ces passants rejoignent le cercle obligeant celui-ci à s’agrandir petit à petit. Le « passant » fraîchement incorporé fait l’expérience métaphysique de l’écart, du silence et du temps, « entre le passant qui passe et repasse dans la grande ville et ce dans quoi il passe; précisément dans ce quoi son temps de vie lui donne le loisir de passer, à l’exclusion de ce qu’il n’aura jamais le temps de voir et de parcourir. » (J.P Dollé), quand d’autres « passants » sont soumis manu militari à l’immobilité de la rétention.

Ces personnes se rassemblent main dans la main ainsi chaque semaine, même heure, même jour. Les manifestants estiment que les conditions « dans ces centres en France et par exemple à Nantes », « portent atteinte à la dignité de l’homme. » Le Cercle de silence dénonce ainsi « la criminalisation des sans-papiers ». « Si on est incarcéré, ça sous-entend qu’on est coupable alors que ces gens ne font que sauver leur peau en recherchant des conditions viables. »

Si à l’origine ce sont des moines Franciscains de Toulouse qui les premiers se sont regroupés en forme de cercle dans le silence, régulièrement, depuis le octobre 2007 sur la place du Capitole à Toulouse pour afficher leur opposition au traitement qui est fait à l’étranger dans les centres de rétention, depuis, cette initiative a fait tâche d’huile partout en France. Et leur composition s’est élargie aux citoyens sensibles aux questions des droits de l’homme. Un site internet leur permet de se coordonner. Ici.

Mais derrière la « chasse aux sans-papiers » il y a la chasse aux enfants. Et derrière les barbelés, toujours de nouvelles atteintes graves et répétées aux droits des enfants.

Car la traque aux enfants sans-papiers, seuls ou avec leurs parents, heurte les principes protégés par des textes internationaux dont la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) et la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE). Le Comité des droits de l’enfant des Nations unies rappelle régulièrement la France à l’ordre à ce sujet. En vain.

Priver de liberté des dizaines de milliers d’étrangers – parfois jusqu’à 45 jours – pour des raisons administratives est l’affichage le plus visible de la politique du gouvernement en matière d’immigration et de ses objectifs chiffrés. Cela se passe dans les CRA qui sont des lieux d’enfermement, avec grillages, barbelés, caméras de surveillance et une très forte présence policière. Voir cette vidéo.

La traque aux enfants a bien lieu, elle sévit, sans bruit, avec moyens militaires armés, comme nous en informe le Défenseur des droits, Dominique Baudis, qui vient de rappeler au ministre de l’Intérieur que le placement de jeunes enfants en Centre de rétention administrative (CRA) avait été jugé contraire à la Convention européenne des droits de l’Homme ». Lire le Communiqué LDH Lire aussi ceci.

Traque aux enfants seuls ou avec leurs parents, en toutes contrées, fûssent-elles les plus paisibles. Dans le silence plus pesant que jamais. Ainsi Rennes, aussi. On encercle l’enfant « passant ». L’attraper, puis l’enfermer le temps d’organiser l’expulsion. Un CRA est un flux de « passants ». En série. Dans une zone calme. Dans le n’importe où. Hors-champ. Hors-cadre.

Situé non loin du parc des expositions le Centre de Rétention Administrative de Rennes-Saint Jacques apparemment inanimé est le plus grand centre de l’Ouest. Il est chargé de retenir une soixantaine de personnes en situation irrégulière. Personne n’en parle, rares sont ceux qui se posent la question de savoir à quoi peut bien servir un centre entouré de barbelés. Voilà, ça ressemble à une prison. 43 caméras, 75 gendarmes mobilisés, horaires fixes pour tous, chambres de 9m² pour deux, interdiction de se faire à manger, les effets personnels gardés à l’entrée…Effets de gens qui n’ont rien fait de mal à part, bien souvent, fuir pour sauver leur vie.

C’est un établissement dont la présence passe finalement comme presque ordinaire dans ce non-lieu urbain entre du visible et de l’invisible, du proche et du lointain, à la condition surtout de ne rien montrer d’elle. Comme l’atteste cette polémique locale des jours derniers autour de cette photo qui a  » touché juste en montrant des choses que l’on n’a pas envie de voir. Ce qui gêne c’est que la photo a été prise en France, à Rennes. » Lire aussi ça. Et aussi cela

CRA de Rennes-Saint Jacques. Rappel. Condamnation de l’Etat en 2007 par la cour d’appel de Rennes pour placement en rétention d’un bébé moldave de trois semaines, dans le cadre d’une procédure d’expulsion. Le motif de la condamnation? «traitement inhumain et dégradant». Entre juillet et août 2011, en un mois, huit enfants, de 6 mois à 15 ans, se sont retrouvés derrière les mêmes grilles, sur décisions des préfectures d’Ille-et-Vilaine et du Maine-et-Loire. C’est après une procédure judiciaire qu’ils ont été libérés après y avoir été enfermé 5 jours. Parfois avec un seul de leurs parents ou de leurs frères et sœurs. Ces rétentions d’enfants n’ont malheureusement pas été des cas isolés. Plusieurs autres situations similaires, touchant 24 autres enfants, ont été relevées dans d’autres régions de France.

«Traitement inhumain et dégradant.» Pas moins. Les violences faites aux migrants sont des atteintes à ce qu’ils sont et non à ce qu’ils font, elles provoquent de profonds chocs psychologiques. Pour ces faits contraire à la Convention européenne des droits de l’Homme, pour lesquels l’Etat se voit régulièrement condamner, côté excuses…Rien. Zéro. Mais stigmatisation toujours. Et encore.

Contre la haine, les fraternités. Solidarité active (pour en savoir plus, écouter notre entretien avec M.Benasayag), maintenant pénalisée. Certains lâchent, abdiquent, mais d’autres alors prennent le relais. Il s’est ainsi construit sur place des pratiques de résistance autour des militants de Réseau éducation sans frontières (RESF) et du Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), qui rendent régulièrement visite aux retenus.

Ces derniers temps, dans ce monde-ci l’interdit du « plus jamais ça  » a sauté. Comment? En niant les faits? Mais pourquoi nier, alors qu’il suffit d’oublier ou de détourner le regard? C’est bien pourquoi cette photo dérange.

D.D


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