Eau: »On a perdu le lien. » N°505
Écrit par D.D sur 23 novembre 2011
« L’important, c’est que l’opinion sache comment est gérée son eau. Aujourd’hui, on ouvre le robinet, on ne sait plus d’où vient l’eau et où elle va. On a perdu le lien. » disait Danielle Mitterrand dans un entretien en 2010 en qualité de militante pour l’accès à l’eau pour tous.
Voilà, tout est dit. C’est simple comme bonjour et tout est dit. C’est une pensée à saisir comme message à portée philosophique.
Cette pensée-ci n’est pas coupée du monde de la vie. Elle en est l’expression même. Car la conscience est « dès l’origine un produit social » disait Castoriadis. Les hommes s’imaginent généralement que leurs idées dérivent de leur seule pensée, alors que la conscience répond nettement aux ordres sociaux (économie, juridique, politique).
Or nous sommes devenus homo oeconomicus ! De quelle façon ? pour mieux en rafler les profits les gérants des grandes firmes privées (de l’eau entre autres) s’appuyant nettement sur une infrastructure médiatique et normative, nous poussent avec succès à des modèles de vie et d’habiter qu’ils encadrent et qu’ils promeuvent comme les seules possibles. Donc, à ne pas porter attention à notre lien vital au monde que nous habitons. La puissance de la logique néo-libérale, qui vise à ce que les hommes se conforment d’eux-mêmes à ses exigences, se charge de ça. A quel prix?
Dans cette société dans laquelle tout bien vital est détourné au profit d’actionnaires aux gains exorbitants, il faut bien reconnaître qu’elle ne donne plus accès au monde, c’est-à-dire librement et gratuitement à ce qui reste vital. L’eau en particulier. Un bien constitutif de la vie.
Aujourd’hui, ici même en Bretagne, à Ploufragan dans les Côtes d’Armor, lors d’une journée de rencontres des acteurs économiques de l’eau et de l’assainissement, journée d’information sur « les perspectives et les enjeux des marchés émergents afin de proposer des solutions innovantes », l’on a pu assister à la préparation tranquille, disons en amont, d’une quasi-remise à venir à la société Eiffage de cette problématique sous couvert de « mutualisation » (l’évidente connivence) des initiatives publiques/privées dans le domaine des agences de l’eau.
Leader européen des travaux publics (chiffre d’affaires de treize milliards d’euros) qui se présente comme partenaire indiscutable du « génie écologique », Eiffage est maître d’ouvrage délégué de service public pour la réalisation de la ligne LGV (TGV) entre Le Mans et Rennes (chantier estimé à 3,4 milliards d’euros, financé à la fois par Réseau ferré de France (propriétaire et gestionnaire du réseau ferré national), l’État et les collectivités locales bretonnes). A ce titre, il a reçu les prérogatives totales de l’Etat. La ligne LGV présente l’énorme avantage d’être un cheval de Troie pour sa conquête de l’Ouest. La conquête des « territoires » dans son jargon. Pour le lobying auprès de la Commission européenne? pas plus fort. Subventions quasi-assurées. Ah! d’ailleurs l’une des conditions cependant émise par l’Europe c’est d’avoir une super campagne de com! Le montant de la subvention a même été rallongé pour ça.
Voilà. Les appétits sont là. Et l’esprit de dépossession du bien commun, de servitude ou de soumission des « experts et décideurs » probablement pas loin. A moins…un réveil! « Le pouvoir, c’est le citoyen qui l’a, mais on ne l’utilise pas. » (Danielle Mitterrand)
D.D