La liberté de la volonté. N°504
Écrit par D.D sur 16 novembre 2011
La révolution inachevée. L’homme est libre « en droit », d’accord mais ne l’est pas toujours « en fait ». Les Egyptiens viennent de conquérir le droit à la démocratie. De haute lutte. Bravo ! mais déjà sont sortis de l’ombre les tenants de la religion qui ne reconnaît pas les droits de l’homme mais seulement les « droits de Dieu » . Leur foi a pour corrélat un blocage de l’intelligence, figée dans une position arrêtée, incapable de mouvement, d’examen de soi, de doute, de réflexion.
L’obscurantisme religieux persiste et s’est même engouffré dans la brèche de plus belle, malgré ce qu’il a eu de prometteur dans l’élan révolutionnaire de ce beau printemps arabe. Le triomphe annoncé des islamistes aux législatives du 28 novembre douche l’enthousiasme. Neuf mois après la chute du régime Moubarak, les gens s’apprêtent à se précipiter dans la foi. C’est-à-dire dans la voie de la non-liberté. Avec la charia comme source d’inspiration. Les craintes d’une oppression religieuse grandissent chez les jeunes, les minorités et les femmes.
Dans cette voie, les femmes en seront les premières victimes. La femme n’étant jamais l’égale de l’homme. Alors une jeune révolutionnaire blogueuse Aliaa Elmahdy, une féministe très courageuse de vingt ans qui se définit comme «individualiste et athée» dans ce pays de Frères Musulmans, manifeste sa qualité d’être libre. Je « suis » une liberté, une liberté infinie, clame-t-elle. La liberté de la volonté.
Dégagée des chaînes de la tradition, dans un engagement total elle le prouve en fait. Par grandeur et simplicité héroïque, sa nudité affichée sur son blog personnel a valeur de déclaration révolutionnaire d’une force incroyable. Souhaitons-lui d’ici que sa liberté soit comme un bloc invincible.
Les réactions concernant sa photo nue sur les réseaux sociaux? ça va de la condamnation la plus totale aux réactions enthousiastes, notamment de la part de femmes admiratives saluant le courage et la volonté de la jeune féministe, qui vont jusqu’à proposer des photos d’elles nues en soutien à sa démarche. Quant aux réactions de sa famille, elle dit: « Les membres de ma famille ne possèdent pas mon corps et mes actions ; je suis un individu libre ».
Et puis il y a ça. En signe d’égalité comme revanche prise sur l’humiliation elle a ainsi créé un événement baptisé « Les hommes devraient porter le voile » sur Facebook, pour dénoncer les pressions subies par les femmes quant au port du symbole religieux.
Mais le réquisit collectif des croyants en Dieu, à la haine recuite, tentera d’empêcher et ruinera toute échappatoire : « Coupable ! » cracheront ses geôliers. Quel sort lui sera-t-il alors réservé? Elle risque sa vie pour deux raisons: 1. Pour être athée 2. Pour s’être mise nue.
Superstition et oppression. Quelques indices du contexte pré-électoral. L’affaire de la « statue voilée ». Début novembre, le quotidien Al-Masri Al-Yom a révélé qu’une fontaine en forme de sirène avait été recouverte d’un drap durant un meeting du parti Al-Nour. Un panneau avait été attaché au monument, portant la mention : « Les femmes égyptiennes sont réservées à leur mari ». Sur les affiches électorales de ce mouvement salafiste, les candidates n’apparaissent pas en photo. Leur visage est remplacé par une rose.
Parmi cette croyance aveugle dans un au-delà, dans un “ordre supérieur”, invisible et tout-puissant, qui échappe à toute pensée rationnelle, d’autres esprits intolérants, fanatiques et beuglants à Rennes aussi, il y a quelques jours. Intégristes et menaçants, catholiques ceux-ci du groupuscule Civitas (quoique moins influents pour l’instant mais restons vigilants sur la laïcité), ont tenté de s’opposer par prières et oeufs pourris à la représentation de « Sur le concept du visage du Christ », pièce de théâtre jouée au TNB considérée blasphématoire à leurs yeux.
Opposons-leur en tout lieu la liberté comme un bloc invincible.
D.D