Sur le pare-brise, sous l’essuie-glace. N°483.
Écrit par D.D sur 22 juin 2011
D’ordinaire ce que l’on découvre sur notre pare-brise de voiture à la descente du TER au retour du travail, ce sont des flyers avertissant d’un vide-grenier, ou d’une promo de meubles ou matelas à tel endroit.
Leur présentation est presque toujours la même, c’est écrit à l’ordinateur sur des papiers la plupart du temps de couleur. Chacune des deux ou trois cents voitures stationnées aux abords de la gare est alors décorée de cette façon, par un message glissé sous l’essuie-glace.
Lundi soir, dans sa forme le papier glissé ressemblait aux autres avec cette exception cependant, il était écrit à la main. Une photocopie banalement ordinaire sur papier vert. Comme ces messages punaisés près de la porte d’entrée des grandes surfaces, boulangeries ou café-restaurants: « vends lave-vaisselle, état neuf, à prendre de suite, raison déménagement » ou « vends petits chiots, 3 semaines, race mi-espagnols mi-batards d’anglais ». Ou « grille-pain, qualité cadeau de Noël pas déballé ».
Ce lundi, le contenu de cette feuille était tout autre et m’a rappelé immédiatement toute cette histoire des prêts subprimes aux Etats-Unis. Son écriture à la main sans détour donne très clairement je crois, cette impression d’alerte à la noyade: pas de temps à perdre, tout est une question d’urgence, vite trouvons quelqu’un pour racheter la maison qu’on est en train de se faire construire! Lisez-vous même: « A VENDRE. MAISON NEUVE LIVRABLE DANS 4 OU 5 MOIS. POSSIBILITE DE PAYER COMME 1 LOYER. DEMANDER SANDRA 06.37.etc »
Je ne suis peut être pas bien au fait de l’actualité quant aux modes de revente de biens immobiliers mais c’est bien la première fois que je découvre pareil avis de vente pour maison en cours de construction en un, j’imagine, « néovillage urbain rénové ». Aïe! bonjour les créanciers! Pour l’instant, du moins à ce que j’en sais, une maison qu’elle soit de brique, de bois ou de béton, tout en angles ou pas, et bien qu’à crédit elle était encore restée autre chose qu’un lave-vaisselle aussi performant soit-il, autre chose qu’une portée de chiens ou chats présentée en photo dans son panier en osier, qu’une bagnole des années disco qu’on souhaite se débarrasser.
Bon, ou bien encore une maison ancienne en péril qu’on n’arrive pas à céder à un bon prix. A la longue de la voir se détériorer avec son panneau décoloré accroché au volet « A vendre. Téléphoner au… » après avoir tenté maintes fois en vain le coup des petites annonces payantes tout en continuant à vanter ses qualités internes très intéressantes, qu’on parte à la recherche d’autres formes de sollicitations moins flatteuses, ça se fait souvent mais ce n’est pas comparable. J’en étais donc là: la maison en construction était encore à mes yeux toute étoffée de ses oripeaux de ne pas être un achat comme un autre, une marchandise parmi tant d’autres!
Alors c’est pourquoi ce message hyperréaliste qui s’affranchit du casse-tête de la discrétion courante quand les choses vont mal dans la France rurale, m’apparaît nouveau. J’avoue, il ne m’était pas du tout venu à l’esprit d’être aussi proche de ce qui continue d’ébranler l’économie mondiale. Je continuais à raisonner en terme obsolète. Que cette chronique essaie de dire ce changement, d’en décrire la réalité, voilà bien son rôle. Car si ça venait à se répandre sur la totalité du pare-brise…cette demi-feuille banalement ordinaire de lundi aurait été l’annonciatrice d’une tragédie.
Eh bien, renseignement pris par curiosité sympathique pour tout (et souci de chroniqueur): il s’agit d’une annonce d’une agence immobilière basée je ne sais où, et Sandra en est la standardiste et d’ailleurs dans le civil bien sûr, cette personne ne s’appelle pas Sandra. Comme j’ai été étonné de tomber sur cette interlocutrice, moi qui croyait que Sandra était en proie à des créanciers prédateurs, elle m’a invité à lire l’indication d’inscription au registre du commerce inscrite en à peine visible tout en bas du prospectus banalement ordinaire: RCS 515 297…
« Voulez-vous répondre, me dit-elle, à notre questionnaire maintenant? Non. Merci. Mais dites, lui dis-je, comme j’ai cru que c’était une annonce d’un particulier du coin qui cherchait à vendre sa maison sans porte ni fenêtre, pour ainsi dire je me suis fait piégé? C’est, me dit-elle, la forme de communication qu’a choisi l’agence, Monsieur! ». Voilà de la mystification. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Rien qu’une duperie banalement ordinaire…sur fond de crise immobilière et de société malade. En passant, la dame qui enfile les mots comme perles fausses, n’aime pas qu’on l’interroge, j’ai senti. Tant pis.
Dans Ouest France du lendemain, je lis que les banquiers de l’ouest voient réapparaître des crédits à 3O ans, puis ces mêmes banquiers de l’ouest soulignent que les pays anglo-saxons sont à 40-45 ans. Allez! C’est reparti de plus belle! Comme par superstition.
De manière à n’être jamais dupe ou floué, à ré-écouter: JP Dollé « l’Inhabitable capital ».
françoise Sur 23 juin 2011 à 7 h 17 min
C’est drôle, quand j’ai lu SANDRA 06 37, j’ai vu immédiatement ces petits carrés, 10X10 à peu près, collés sur les poteaux des feux tricolores dans nos banlieues, (ban-lieu, lieu mis au ban dit Dollé) à hauteur d’œil d’automobiliste en mal de rencontre intime:
SANDRA 06 37…
MONIKA 06 35…
LEILA 06 28…
PRISKA 06 18…
Une agence immobilière ? Fait fort m’sieur l’agent…en jouant sur les deux tableaux, les deux moteurs qui animent nos journaux TV : le fric et le sexe !
Et taquinons notre chroniqueur : aurait-il appelé cette agence si, sur le petit papier plié, il avait lu :
MARIE-THERESE 06 14…
LUCIEN 06 22…
LEON 06 23… voire JULES 02 99…