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La tranchée. N°552

Écrit par sur 31 octobre 2012

Il m’est venu à l’esprit ce souvenir qui me ramène des siècles en arrière. Ou presque. Je me souviens donc d’avoir vu dans le grand jardin de mes grands-parents, une tranchée. Pas une de celles qui servent à y passer une conduite d’eau, mais celle de la guerre.

Je m’explique. Doucement se redessinent les contours de la réalité. Voilà: nous n’étions pas en guerre. Et je ne suis pas un poilu de 14. Mon grand-père s’était mis à reconstituer celle qu’il avait creusée entre 43 et 45, pour mettre sa femme, son fils et lui-même, à l’abri des bombardements. Ceux-ci visaient la ligne de chemin de fer, soit à une centaine de mètres de la gare voisine. A l’époque, l’aviation anglaise avait pris pour cible les convois militaires allemands qui transitaient vers Saint-Malo. Soit l’attaque était en piqué, soit le lâcher de bombes venait du ciel. Tout dépendait de la riposte ennemie. Ce qui occasionnait un nombre incalculable de dégâts dits de nos jours collatéraux. Voilà, en attendant la Libération…

La tranchée était de la profondeur d’homme, 1m80 environ, d’une longueur de 3 ou 4 mètres. Avec en partie supérieure des planches qui venaient la recouvrir. Et sur ces mêmes planches, de la terre pour tout dissimuler.

Cette tranchée était donc conçue pour abriter et se tenir debout trois à quatre personnes. Sans souffrir. Le temps que ça se passe. Parce que sous un bombardement, le plus mortel -en dehors d’être sur le lieu de l’impact- venait des éclats d’acier incandescent provenant de l’explosion des bombes. Sans doute, est-ce encore vrai.

Je suppose qu’il l’avait recreusée près d’une vingtaine d’années après pour me montrer ce qu’il fallait surtout faire quand on n’a pas le temps de s’enfuir plus loin. Eux avaient fui de préférence vers un hameau distant d’une petite demi-heure de marche. Quand ils avaient pu. Pas évident. Autrement, dès le premier bruit d’escadrille, la peur au ventre, seule solution: courir très vite pour rejoindre la tranchée la plus proche à la condition que celle-ci se tienne à distance de toute construction.

Evidemment j’en avais fait un temps ma tranchée de jeu. Le sachant. Parfait pour jouer à la « petite guerre », là-dedans, avec ma mitraillette en bois. Du moins avec la branche de châtaignier qui me servait de mitraillette.

Cette tranchée se tenait en fond de jardin entre la dernière rangée de poireaux et la clôture du poulailler, sous un pommier qui regorgeait de pommes. Vide, elle se remplissait pomme après pomme. Du coup, j’en faisais des munitions. Des grenades. Voilà, toujours la bagarre. Dès très jeune. Ça ne me rajeunit pas. A faire croire que c’est fini, tout ça ! Tout ça quoi au fait ?

Ah ! je sais. Cette image me revient non pas parce que je dois me planquer, pas en guerre contre un ennemi invisible, mais tout bêtement à cause des pommes. Dont il est plus que temps de ramasser. Le vieux pommier est toujours là.

D.D


Les opinions du lecteur
  1. Françoise   Sur   2 novembre 2012 à 9 h 05 min

    J’espère que le modérateur virera ce « commentaire » tellement il est crétin, mais je ne résiste pas à dire ma bêtise:

    Je comprends mieux pourquoi l’indicatif de radio-Londres était « pomme-pomme-pomme-pomme…ici Londres… »
    Avec toutes mes excuses!
    Mais…
    Cette chronique, qui arrive juste après la « mésaventure » wikipédia me fait penser à ce que m’en disait Roger Lahu,(poète qui suivait les débats). Il me racontait l’impression qu’il avait d’assister non pas à un dialogue de sourds « entre ton pote et les wikimachins » écrivait-il, mais un dialogue entre un philosophe présocratique , qui argumente et qui développe sa logique « et des chiards d’hui découvrant le monde via les jeux videos de leurs playstation ! »
    et contre qui « on ne peut pas se bagarrer avec un porte plume ! »
    Vingt-cinq siècles d’écart, donc…
    Et les tranchées, celles de 14 ou les autres, celles qui se remplissaient de pommes, semblent aussi appartenir à d’autres siècles très lointains, Comme si un peuple d’avatars voulant prendre les manettes voulait nous reléguer dans nos retranchements et nous obliger à nous précipiter vers un futur d’écume…
    Mais… »pomme-pomme-pomme-pomme…ici… »

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